Togo:
Nouvelle arrestation d'un opposant dans l'affaire des incendies des
marchés
LOMÉ,
30 mai 2013 (AFP) - Un membre du Collectif de l'opposition "Sauvons
le Togo" (CST), accusé de complicité dans l'affaire des
incendies qui ont ravagé deux marchés du pays en janvier, a été
emprisonné, a déclaré jeudi à l'AFP un de ses avocats.
Président
du Mouvement des Républicains Centristes (MRC), Abass Kaboua avait
été inculpé le 12 mars de "complicité de destruction de
biens publics et de groupement de malfaiteurs" dans l'affaire
des incendies des marchés. Le juge lui avait interdit de se
prononcer publiquement sur ce dossier.
"M.
Kaboua a été arrêté mercredi. Le juge lui reproche d'avoir parlé
sur une radio privée du dossier des incendies des marchés dans
lequel il est inculpé. Nous allons relever appel de cette décision",
a indiqué Dodji Apévon.
Olivier
Poko Amah, un ancien officier de la gendarmerie et membre du CST, a
été aussi emprisonné mardi pour avoir appelé l'armée à "se
détourner de son devoir" lors d'une interview sur une radio
privée.
Il
lui est reproché "d'avoir +tenu des propos visant à appeler
les forces armées togolaises et les forces de l'ordre à se
détourner de leurs devoirs+".
Le
plus grand marché de Lomé et le marché de Kara (à 420 km au nord
de la capitale) avaient été ravagés par des incendies qui
n'avaient pas fait de victime mais qui avaient causé des pertes
financières évaluées à 6 milliards de FCFA (9 millions d'euros),
selon une commission gouvernementale.
Au
total, 35 personnes - toutes militantes de l'opposition - sont
inculpées dans cette affaire, dont 23 ont été placées en
détention préventive. L'un des inculpés est décédé en prison le
10 mai dernier.
Le
CST avait entamé la semaine dernière trois jours de manifestations
pour protester contre le décès en détention de cet opposant et
pour demander la libération des autres opposants détenus dans cette
affaire.
Après
des débordements en marge du rassemblement du 21 mai, les autorités
ont interdit toute manifestation "jusqu'à nouvel ordre".
Le
collectif a également organisé de nombreuses manifestations ces
derniers mois pour réclamer des réformes avant les prochaines
élections législatives initialement prévues en octobre, repoussées
sine die.
COMMENTAIRE
La
situation sociale est "extrêmement grave", pour ne pas
dire "catastrophique".
La misère dans le pays est bien réelle et les tensions
s'accroissent. Le mécontentement est profond, suscitant des accès
de colère de la population. Tandis que les étudiants de
l'université de Kara annoncent qu'ils entreront demain en "grève
illimitée", la Synergie des Travailleurs Togolais (STT) appelle
à une grève de quarante-huit heures dans les secteurs de
l'éducation et de la santé. Les chauffeurs de taxis de la capitale
et les moto-taxis ("zemidjans") pourraient s'associer au
mouvement. Les interpellations et mises en détention d'opposants,
qui se poursuivent, exaspèrent le climat: le commandant Amah a été
arrêté hier, ainsi que M. Abbas Kaboua, qui a été transféré,
cet après-midi à la prison de Notsé par un détachement de la
Force d'Intervention Rapide (FIR).
- Le dialogue politique est dans l'impasse, impasse aggravée par "la mauvaise volonté des dirigeants et les déclarations provocatrices de M. Gilbert Bawara", le ministre de l'administration territoriale. "Le système est mauvais depuis Eyadema et n'a pas changé d'un pouce"; "le culte de la personnalité est omniprésent, jusque dans les offices religieux" (NDLR: réunions de prières organisées autour du Chef de l'État par certains de ses collaborateurs comme M. Koffi Esaw, ancien ministre des Affaires étrangères devenu conseiller diplomatique). Les positions se radicalisent alors qu'il suffirait de mettre simplement en oeuvre les réformes institutionnelles et constitutionnelles préconisées par l'Accord Politique Global (APG) du 20 août 2006 et les recommandations des missions d'observation électorale conduites par l'Union européenne en 2007 et 2010 (avec, en priorité, un redécoupage électoral plus juste).
Rien
ne dit que les législatives seront libres et transparentes : la
présence de 650 observateurs de la société civile pour 8000
bureaux de vote est notoirement insignifiante et n'est donc pas une
garantie suffisante.
-
Le
Chef de l'État paraît en décalage total avec les problèmes du
pays et aucun conseiller ne semble avoir la capacité (ou le courage)
de lui ouvrir les yeux
sur la réalité. Lorsqu'il les avait reçus, en compagnie de
l'Archevêque de Lomé, le 8 novembre dernier, le Président Faure,
flanqué de sa directrice de cabinet, leur avait réservé "un
accueil glacial", se montrant totalement fermé à leur
discours : "vous ne comprenez rien à ce qui se passe",
lui avaient-ils dit. Il n'avait par ailleurs pas donné suite à la
proposition des Églises de jouer un rôle de facilitation entre
pouvoir et opposition, pas plus qu'à celle des diplomates de lUE, la
France, les USA, l'Allemagne et du PNUD; et le médiateur national
alors pressenti, M. Victor Alipui, ancien ministre d'Eyadema, avait
été récusé