Monsieur
le Président,
Je voudrais, après les fausses, inimaginables et
vaudevillesques nouvelles de votre mort, formuler le vœu que l’année
deux mil treize, qui va commencer à courir bientôt, soit pour
vous-même ainsi que pour votre famille, une année de bonne santé.
Que le Tout-puissant veille sur vous et vous enlève le souci de
santé que vous avez actuellement !
Qui, en fait, veut votre mort
? D’aucuns vont se demander pourquoi je reviens encore sur cette
affaire qui ne fait plus la une de nos media. Je leur répondrai
volontiers que j’y reviens parce que l’onde de choc que votre
supposée mort a provoquée en moi est loin de s’arrêter. La vague
qu’a suscitée cette non moins surprenante nouvelle est loin de
retomber dans ma conscience. Je n’arrive pas à voir la mer étale
et je continue de réfléchir.
J’y
reviens parce que votre mort n’est pas ce qui préoccupe les
Togolais, mais bien le contraire. Fausse nouvelle ! Fausse alerte !
Qu’en avons-nous récolté ? Rien. Sinon, d'avoir dû assister à
la parade de votre camp RPT-UNIR-FAT, à la parade des «buveurs de
gloire», des avides d’honneurs que vous êtes. Une parade qui nous
a rappelé le «miraculé» de Sarakawa à Lomé. Vous êtes devenu
aussi ce miraculé de fausse mort à Lomé ! Deux faux miraculés,
avec votre feu géniteur! Cela nous a fait revoir ce que nous avions
perdu l’habitude de voir, ce que nous n’avions plus envie de
regarder : une tourbe d’hommes en complet. Des hommes, des femmes,
avec la peur au ventre, craignant pour leur emploi, leur poste, se
sont rassemblés malgré eux et contre leur conviction personnelle,
tels des moutons de Panurge, pour vous offrir un bain de foule, à
votre «retour triomphal». J’ai vu dans les rangs l’inusable
Dramane Dramani, grâce à ce qui le caractérise : la laine blanche
sur la tête. Par contre, je n’ai pas pu voir l’autre inusable et
très discret conseiller, Barry Moussa Barqué, l’un des
architectes du malheur togolais. Souvent calme, ne prenant presque
jamais la parole, et pourtant l’une des plus dangereuses âmes
damnées de votre père et aujourd’hui de vous-même. Il n’est
pire eau que l’eau qui dort. C’est le moins qu’on puisse dire
sur son compte.
Je
n'ai pas vu non plus «le blanc bourreau», celui qui fait et défait
les «rois», celui qui a fui la France pour échapper à la justice
de son propre pays: Charles Debbasch!
Ceux qui ont publié cette
insanité de votre mort pour distraire les Togolais et détourner
leur attention de l’essentiel, de ce qui les préoccupe
actuellement, ont tout simplement fait une embardée. Au fait, qui
souhaite votre mort ? Personne! Les Togolais ne font qu'un vœu, le
vœu unique de vous voir retrouver le plus promptement possible votre
bonne santé et de vivre longtemps.
Votre père, Eyadema Étienne
Gnassingbé, a tué et jeté nuitamment dans la lagune de Lomé, dans
la mer, dans les forêts sacrées et interdites d’accès, des
Togolais par centaines, mais il n’a jamais répondu de tout cela
devant la justice des hommes avant de mourir paisiblement dans son
lit douillet. Il est mort peinard, comme Mobutu Sese Seko du Zaïre,
sans goûter aux amertumes de la vie, à l’humiliation. Mais un
jour viendra, je vous le promets, où «nous irons cracher sur sa
tombe». Trop de morts; trop d’honnêtes Togolais disparus comme un
rêve; trop de réfugiés désespérés et pour qui trouver le
bonheur, c’est la croix et la bannière; trop de vies brisées;
trop d’espoirs de réussir interrompus, à tout jamais irréalisés;
trop de rêves transformés en cauchemars... Tout cela est resté
impuni. Justice n’a jamais été rendue aux victimes, dont les
plaies au cœur sont toujours saignantes, béantes; les souffrances
ineffaçables, intraduisibles, indicibles. Et comme si cela ne
suffisait pas, vous qui l’avez remplacé de façon rocambolesque,
vous continuez exactement et sans rémission la même chose. Vous
êtes arrivé au pouvoir, faut-il vous le rappeler, dans le sang,
faisant abattre froidement et avec préméditation les Togolais par
milliers... sur les corps desquels vous avez fixé votre trône. Les
blessés et les forcés à l’exil se chiffrent par dizaines de
milliers comme pour nous dire : «...oui, je suis bien le fils de
père...». En effet, les chiens ne font pas des chats! L’effusion
de sang est loin de s’arrêter. Tous les jours que Dieu fait, les
Togolais versent leur sang; ils sont brutalisés, malmenés, piétinés
dans leur dignité. Ils ne sont pas pour vous une «fin en soi»;
ils n'ont pour vous aucune dignité.
Vous
souvenez-vous, Monsieur le Président, de cette femme exhibée la
semaine dernière dans un clip sur le site «letogovi.com», une
femme au visage tuméfié, au corps semé d’hématomes, endolori.
Où est sa dignité ? Où se trouve le respect de son humanité ? Vos
gendarmes aux mains lestes ont fondu sur elle, telle une meute de
lycaons sur une proie. Son crime? Avoir osé dire que trop, c’est
trop. Vous ignorez sans doute, Monsieur le Président, que toute
forme de mépris de la dignité humaine a un nom: le fascisme! ...qui
évoque les noms de Mussolini, d’Hitler... etc.
Alors donc,
souhaiter votre mort devant ces crimes innommables et odieux, c’est
non seulement déraisonner, mais c’est aussi vouloir signifier
qu’ils resteront impunis. Dis-leur: «...par ma vie […], je ne
prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du
méchant qui change de conduite pour avoir la vie’’» (La Bible
de Jérusalem, Ézéchiel, 33, 11). C’est cette parole de
l'Évangile qui dit le non-dit des Togolais à votre endroit. Ils ne
prennent aucun plaisir à vous voir mourir, c'est trop tôt; ils ne
veulent pas votre mort maintenant, c'est immérité. Tout ce qu'ils
vous souhaitent, c'est de vivre longtemps pour répondre du mal que
vous leur avez fait. Faure, vous ne mourrez pas comme votre père
sans répondre devant la justice de tous ces crimes que vous avez
commis.
Aujourd’hui, vous vous pavanez, vous allez où vous
voulez, vous prenez plaisir aux pérégrinations que vous organisez
avec notre argent. Vous n’avez aucun compte à rendre aux Togolais.
Combien gagnez-vous? Quel est le budget alloué à votre présidence
chaque année ? Les Togolais le sauront quand «les poules auront les
dents», car pour l'heure, tout cela relève tout simplement du
secret d’État. C’est ainsi que vous entendez diriger notre pays.
Mais
un jour viendra, et c’est cela le souhait le plus ardent des
Togolais, où vous connaîtrez le sort de Nicolae Ceausescu, de
Moussa Traoré, de Charles Taylor, d’Hosni Moubarak et de bien
d’autres encore.Bonne
santé et longue vie, Faure !
Tchakie
Thomas Sékpona