vendredi 28 juillet 2017

LES KABIYÈS DE PYA ET LA FRAUDE...



Dans toutes les ethnies du Togo, le passage de l'adolescence à l'âge adulte se fait par l'intermédiaire d'une initiation. En pays kabyè, c'est dans la lutte appelée Evala que se fait cette initiation. Il s'agit donc d'un jeu traditionnel et culturel. La victoire d'un camp est traditionnellement la victoire symbolique de l'ensemble du canton dont est originaire l'équipe « gagnante ».
Mais l'arrivée au pouvoir politique suprême d'un Kabyè, intervenu à la suite du coup d'état du 13 janvier 1963, a transformé cette tradition en un véritable concours de recrutement des jeunes gens pour l'armée. Ce qui était un jeu est devenu une joute violente où tous les coups sont permis...un concours sans merci !
Les premiers à le savoir furent les membres du clan du canton de Pya dont sont originaires le général-président et son héritier de fils qui ont délibérément utilisé cette lutte pour créer une armée ethnique en y recrutant les militaires de l'armée, de la gendarmerie, de la police ainsi que les douaniers...Tous les corps habillés !
Dès lors la fraude, la tricherie et l'injustice, consubstantielles au pouvoir RPT-UNIR, se sont installées en pays kabyè, plus précisément dans le canton de Pya, passé maître ès-fraudeur. Désormais c'est une cérémonie à laquelle tous les « cadres » civils et militaires que compte le pays kabyè sont convoqués et priés d'assister: tous les véhicules de l'État sont réquisitionnés et mis à leur disposition pour la circonstance. Il faut voir alors les embouteillages et les accidents de la circulation sur la route Lomé-Kara ! Quant au Chef de l'État, lui-même originaire de Pya, il se déplace en avion, bien sûr, toujours aux frais du contribuable togolais !

À l'occasion de la cérémonie de 2017, la découverte de la fraude organisée par Pya (équipe Akéï-Lao-Kioudè-Tchamdè) a provoqué la fuite du Chef de l'État. En effet le clan présidentiel a recruté un « Goliath-mercenaire » pour pouvoir venir à bout de tous les autres lutteurs lors des éliminatoires. Mais en finale, l'équipe Kadjika-Awidina-Pittah, adversaire de Pya, découvre le pot-aux-roses et dénonce la fraude en envahissant le terrain de lutte, ce qui déclenche le départ précipité du Président de la République pétri de honte. Le repas habituellement prévu chez le prince, fait de la chair des nombreux chiens abattus pour la circonstance et arrosé de mètres cubes de tchoukoutou, a dû être amer, très amer...Le prince en a-t-il au moins éprouvé des remords ? 
J'en doute car dans ce pays où la fraude a atteint les sommets, en particulier lors des divers scrutins électoraux, comment croire que la lutte des Evalas pouvait y échapper ? Dans ce pays où tous les champs de la société sont touchés par la fraude, le vol et la corruption et où le pouvoir politique et ses affidés détournent jusqu'à 86% du PIB, comment peut-on imaginer une cérémonie propre ?
Même si tous les médias « officiels » convoqués à coup de millions de CFA pour couvrir « l'événement » in extenso ont soigneusement « oblitéré l'incident », comme disent les Togolais, des témoins ont parlé !
Excellence Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, vous pouvez continuer votre fuite en avant, vous serez rattrapé par l'HISTOIRE, car personne ne peut se moquer d'elle impunément : ni Staline, ni Mao, ni Ceucescou, ni Kim Il Sung, ni Ben Ali, ni Moubarak, ni...vous !



vendredi 21 juillet 2017

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dimanche 9 juillet 2017

À QUOI SERT L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE AU TOGO ?



« On peut tromper une partie du peuple tout le temps
et on peut tromper tout le peuple une partie du temps...
mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps »
Abraham Lincoln
En scrutant la vie politique togolaise du mois de juin écoulé, j’ai été gagné par l’écœurement face aux manœuvres piteuses de la dictature au pouvoir.
Je dois néanmoins à la justice de dire que l’opposition officielle m’a rempli de tristesse et de perplexité.
Ce 23 juin 2017, la représentation nationale togolaise vote un texte important pour la vie de la Nation. Il s’agit de la loi portant création des communes au Togo. La grossière manœuvre du pouvoir en place et l’iniquité intrinsèque du projet gouvernemental n’enlèvent rien à l’importance du texte et à la gravité du moment. Le pronostic vital de la nation est encore une fois engagé.
Le pouvoir dictatorial semble, lui, avoir perçu l’importance du moment et la gravité de la situation. Pour preuve de son inquiétude, un cordon de force de l’ordre, lourdement armée, encercle l’Assemblée Nationale sous le prétexte fallacieux d’empêcher le peuple de manifester et de rejoindre ainsi ses propres représentants et mandataires. En réalité, les représentants de la Nation sont sommés par l'armée de voter le texte en l'état !
La scène est saisissante. Inacceptable !
Le plus ahurissant reste néanmoins à venir.
Que le pouvoir RPT/UNIR s’accommode d’un tel état de fait qui crée un double blocus et une prise en otage en règle des députés, sommés de voter sous la menace ? Passe encore. C’est dans la nature même d’une dictature aux abois. C’est presque de bonne guerre.
Mais que ladite opposition togolaise accepte d’être ainsi prise en otage et de légiférer sous ordre d’une armée déployée qui l’enserre de toutes parts, est totalement incompréhensible.
La scène est tout simplement surréaliste et révèle, au-delà de l’anecdotique, la qualité de l’opposition togolaise et son niveau de collusion avec le pouvoir qu’elle prétend combattre.
Il n’y avait qu’une seule chose à faire et cela tombe sous le sens : REFUSER DE SIÉGER !
La vie est une succession de symboles et plus encore la vie politique où les messages implicites et subliminaux ont un poids décisif et mobilisateur. REFUSER DE SIÉGER dans un parlement assiégé. Exiger et obtenir la levée du blocus avant tout débat et le vote de la loi, c’est rendre sa dignité à une des plus illustres institutions de la Nation. Les députés ANC/ADDI/CAR devaient impérativement quitter la salle et faire face courageusement aux forces de désordre et d'occupation. Le signal aurait été doublement clair envers ce pouvoir autiste à qui on signifierait ainsi en toute responsabilité les limites à ne pas franchir dans l’humiliation de toute une Nation et, d’autre part, indiquer à la Nation, qu’on appelle à la prise en main de son destin, le chemin de la révolte et de la non acceptation des états et des voies de fait inconcevables dans un État de droit.
Las : l’opposition togolaise, confite d’incompétence, est encore passée lamentablement à côté d’une bonne occasion de faire œuvre constructive ! Elle a voté la loi sous la contrainte d’une armée de mercenaires, pour ensuite se répandre au-dehors, en critiques de tous ordres contre l’iniquité d’une telle loi.
Cela relève de l’amateurisme et de l’irresponsabilité sinon de la schizophrénie et nul ne sait plus s'il faut en rire ou bien en pleurer.
Messieurs les opposants togolais, débarrassez le plancher de la contestation puisque vous ne pouvez pas faire mieux. Vous empêchez juste une véritable opposition responsable d’éclore.

Puis vint l’histrion Tchao Christophe
Monsieur Tchao Christophe, président du groupe parlementaire RPT / UNIR a fini par fendre l’armure. Ce cacique du pouvoir dictatorial en place au Togo a confirmé ce que le peuple togolais savait depuis belle lurette : la dictature n’a pas l’intention de faire les réformes constitutionnelles ou institutionnelles nécessaires au Togo ! Tout au plus accepterait-elle de les réaliser à ses conditions et à son seul bénéfice.
Les contorsions et affirmations de mauvaise foi de Monsieur Tchao demandant à « remettre les compteurs à zéro » et à éviter une personnalisation de législation demandée par l’opposition n’auraient servi qu’à rejeter la responsabilité de l’échec de la réforme sur l’opposition tout en plaidant pour la perpétuation de son champion politique au pouvoir. Ce sinistre thuriféraire fait exactement ce qu’il semble reprocher aux auteurs de la proposition de loi ANC/ADDI. Il personnalise la réforme et cristallise le débat autour de la seule personne de Monsieur Faure GNASSINGBE. Circulez ! Il n’y a rien à voir.
Symétriquement l’opposition s’arque boute sur la demande, certes « légitime », d’un retour à l’Accord Politique Global de 2006 et à la Constitution de 1992, c’est-à-dire une élection présidentielle à deux tours assortie d’une limitation du nombre de mandats présidentiels à deux.
Cette demande est également légitime. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’efficacité de sa formulation.
Les positions semblent figées. Le peuple est tiraillé entre un pouvoir qui manie l’intimidation et la terreur pour le maintenir dans le statu quo tout en préparant les forfaitures à venir et l’opposition « accompagnatrice », subjuguée et incompétente, incapable de susciter la franche adhésion du peuple appelé à « arracher » le pouvoir au tyran.
L’histoire semble repasser les plats. Le statu quo profite toujours au pouvoir en place. L’opposition togolaise le sait. En cela, l'exemple de 2015 est éclairant. Le refus de la présentation pour la troisième fois aux élections de M. Faure GNASSINGBE comme préalable à la réforme a débouché sur... son troisième mandant en cours. La situation actuelle est en train de nous préparer à nouveau une perpétuation ad vitam aeternam du tyranneau au pouvoir. Les commissions diverses et variées ont pour objectif de créer le dilatoire et le saucissonnage nécessaires à la dictature pour asseoir, au nez et à la barbe du peuple, du monde et d'une opposition bavarde et incapable, le pouvoir à vie du président actuel.
La vraie question aujourd’hui est de savoir ce que veut l’opposition au Togo et au-delà ce qu’elle vaut en réalité. La grossièreté des erreurs commises comme celle relevée supra ; la tendance à s’enferrer dans des voies sans issue face à un pouvoir violent et autiste ; le mantra des deux tours et de la limitation du nombre de mandats présidentiels qui transparaît dans la rédaction controversée du projet tendant à affirmer « qu’en « aucun cas » nul ne peut effectuer plus de deux mandats présidentiels » au lieu de s’en tenir à la formulation simple et consacrée de « nul ne peut effectuer plus de deux mandats présidentiels » nous indiquent la vraie nature de cette opposition, qui se dessine clairement et distinctement. Nous sommes dans le schéma d’un soutien « objectif » à la dictature en place.
Une opposition véritable serait plus compétente et plus ambitieuse qui réclamerait et imposerait dans le débat national et international la convocation d’une véritable Assemblée constituante. Face à un pouvoir qui pratique le saucissonnage des réformes, c’est la seule réponse crédible. Le bon sens le commande.
Le socle électoral du pouvoir en place ne dépasse guère les 10 % du corps électoral au Togo : tous les Togolais le savent et le pouvoir lui-même ne le sait que trop. L’accent doit donc se porter sur les conditions objectives d’un scrutin « véritablement » transparent : re-confection intégrale des listes électorales à l'issue d'un Recensement Général des Populations et des Habitats (RGPH) ; recomposition honnête de la CENI ; égalité dans les règles d’accès aux moyens de communication ; financement équitable et limitation des dépenses électorales… voilà les points d’attention qui conduiraient à coup sûr à l’alternance au Togo.
Une opposition normalement intelligente n’accepterait pas de siéger et encore moins d’accompagner les élections dans des conditions d’organisations sous-optimales qui conduisent inévitablement à la fraude et à sa déroute inévitable tout en légitimant le fraudeur.
Une opposition véritablement responsable tendrait à se rassembler dans un effort centripète continu et présenterait un front uni contre l’une des dictatures les plus féroces au monde.
Une opposition franche et déterminée serait plus véloce et plus prompte à élargir l’horizon et à ouvrir le focal de la négociation pied à pied avec des objectifs clairs et atteignables.
Une opposition digne mesurerait plus exactement les enjeux pour emporter l’adhésion du peuple... et les enjeux ne manquent pas et ils sont de taille ! Il s’agit de l’avenir d’une Nation et de la vie de millions de Togolais. L’amateurisme qui prend aussi régulièrement les traits de principes indépassables est une faute politique lourde et les compromissions un crime. N’oublions pas la formule désabusée d’Édouard HERRIOT : « appuyons-nous fermement sur nos principes. Ils finiront toujours par céder » .


J-B K.

lundi 3 juillet 2017

POUR TROUVER LA PAIX AU MALI, QUELLE STRATÉGIE ?



Les causes profondes de l'instabilité du Mali sont historiques. Depuis que je sais lire et écrire, j'ai toujours entendu dire que les Touaregs éparpillés entre le sud algérien, la Mauritanie, le Tchad, la Libye, le Mali et le Niger souhaitent disposer d'un territoire pour se gérer eux-mêmes tout seuls. Le colonisateur dont la stratégie était de « diviser pour régner », n'a jamais répondu à cette demande. Au nom du sacro-saint principe de « l'intangibilité des frontières », l'avènement des indépendances, n'a pas permis non plus de donner satisfaction à cette population. Surfant sur ce réel et profond sentiment d'injustice et profitant de la faiblesse de la gouvernance malienne, ayant su créer la jonction entre la rébellion touareg, les intégristes musulmans de BOKO-HARAM du nord Nigeria et les extrémistes MUJAO de la bande sud sahélienne, AQMI a lancé la conquête du Mali dans le but d'en faire le premier État islamique du monde en Afrique.
Affolé par la violence des attaques des « fous de Dieu », victime de la désertion de sa propre armée et donc incapable d'assurer la sécurité de ses propres citoyens, le gouvernement malien se tourne vers la France pour lui demander secours et protection.
Le casting gouvernemental en France à cette date-là n’était pas fameux : un va-t-en-guerre à la Défense et un ministre aux relations louches au Quai d'Orsay ! Alors la France est projetée sur le théâtre malien sans avoir pris le temps de réfléchir à une solution de sortie de crise. Total, nous en sommes aujourd'hui à un effectif militaire de 4000 hommes, pour contrôler une zone s'étendant sur plus de 4 millions de km2(Mauritanie, Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso) pour plus de 7400 Km de frontières pour le seul Mali, et pour courir derrière un ennemi « invisible » et très mobile y compris dans le sud de la Libye et de l'Algérie, sa base arrière! Barkhane, c'est des milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés africains, 19 soldats français sacrifiés et combien de blessés ; Barkhane, c'est aussi 700 millions d'euros soutirés chaque année au contribuable français...dans quel but, pour quelle efficacité et pour encore combien de temps ?
1- Les limites de la force militaire
L'évolution de ces événements devrait nous enseigner que la seule force des armes, aussi sophistiquées et aussi performantes qu'elles soient, n'est pas la solution. Aujourd'hui, on peut appeler à la rescousse les armées africaines, celles de l'ONU et même celles de l'OTAN et même en créer une toute neuve, je ne suis pas persuadé d'une victoire nette, totale et définitive.
En tous cas, la France devrait éviter, à l'avenir, de se retrouver seule, face à ce genre de situation et au contraire, elle devrait chercher désormais -à tout le moins- à intéresser davantage l'ensemble de ses partenaires européens. Ainsi, le point d’honneur habituellement mis par la France à assurer seule les opérations de protection et d’évacuation de ressortissants français et étrangers lors des crises, déresponsabilise totalement ses partenaires et justifie au passage la survivance – sans équivalent – de bases militaires françaises sur le continent africain. Ce type d’opérations, tout comme les missions ponctuelles de rétablissement de la paix en appui à l’ONU, devraient être menées par les groupements tactiques européens (EU battlegroups) créés en 2007 à cette fin dans le cadre de l’UE.

2- Les tensions politiques
En réalité, le Mali connaît d'importantes tensions politiques qui opposent pêle-mêle ses très nombreux partis politiques, les urbains aux ruraux, les ethnies entre elles, les militaires aux civils, les régions les unes aux autres...le tout couronné par une longue série ininterrompue de scrutins volés et par une réelle incurie des pouvoirs successifs, hormis le Président Alpha Konaré il y a déjà quelques années !
La «realpolitik» devrait dicter à la France de ne plus soutenir des régimes incapables de justice, mais d'aider les peuples, en soutenant partout l'impératif démocratique: liberté, paix, développement, alternance, pluralisme... Dans le cas contraire, la seule alternative restant aux peuples africains n'est autre que la révolution violente dans laquelle la France aurait tout à perdre: l'exemple du Rwanda qui a tourné le dos à la France est là pour nous le démontrer...

3- Les tensions économiques
En moyenne, un Malien vit (survit !) avec moins de 1€ par jour. L'aide civile française au développement du Mali stagne à 400 millions d'euros répartis sur plusieurs années alors que, nous l'avons vu, la seule force Barkhane coûte 700 millions d'euros par an ! Il est temps pour la France de donner des signes visibles à la fois pour la stabilité, mais aussi pour le développement et pour le raffermissement de la démocratie en Afrique en général, au Mali en particulier. Elle doit aussi se donner comme objectif d'encourager partout la recherche de solutions pacifiques négociées plutôt que de fournir des hommes et des armes. En effet, les peuples africains aspirent au développement et ont pris conscience que ce développement passe par la paix et la démocratie politique.

4- Les tensions sociales
Il faut avoir vu Bamako et ses marchés ; il faut avoir été reçu chez l'élite malienne au bord du fleuve ; il faut avoir connu la campagne profonde, ses agriculteurs, ses pêcheurs, ses éleveurs... pour comprendre que le sous-développement est à plusieurs vitesses ici. Pendant que les élites se gobergent au caviar et au champagne, la masse des petits commerçants, artisans, paysans, éleveurs...les femmes, les enfants n'ont pas de quoi manger convenablement, se soigner, fréquenter l'école. Une somme d'injustices qui est une véritable bombe à retardement. C'est ce cocktail qui fait la société malienne et qui donc en justifie les vives tensions sociales.
Les premières victimes d'une telle société sont la jeunesse malienne : 45% de Maliens n'ont pas 15 ans. Tous ces jeunes partagent eux aussi avec la jeunesse française, l'aspiration à la démocratie, à la liberté et au respect de leurs droits élémentaires. On y trouve l'exaspération face à l’injustice sociale et les inégalités, les manquements à l’indépendance de la justice, et la colère face à la confiscation du pouvoir par un clan ainsi qu'à des joutes électorales inutiles car jouées d’avance.

5- Le risque de l'enlisement
Pour soutenir l'effort d'une guerre qu'elle a volontairement engagée dans un pays étranger, la France a multiplié les bases militaires françaises dans le Sahel, d’Atar en Mauritanie à Faya Largeau et Zouar au Tchad, en passant par Tessalit et Gao au Mali. Et il n'est pas exclu que plusieurs autres postes soient créés plus au nord, en bordure des frontières libyennes. « Il faut des capacités à faire bouger rapidement nos pions » a déclaré un diplomate. En langage moins diplomatique, ça se dit : « La France doit rester le gendarme de l'Afrique ».
Les contingents français sont alors appelés à être intégrés dans des unités nationales et appuyés par les bases existantes dans les capitales et grandes villes dans les anciennes AOF et AEF, de Dakar à Libreville, en passant par Abidjan, Ouagadougou, Niamey, N’Djamena, Yaoundé.
Cette présence française renforcée, diamétralement opposée à ce que nous avions dit pendant la campagne de 2012, veut-elle signifier que notre armée deviendrait une armée d'occupation ? Jusqu'à quand doit-elle rester sur place ? Si la réponse est celle donnée depuis Gao par le Président de la République, « ...jusqu'à l'élimination complète des terroristes... », je crains fort que nous n'ayons alors pas d'autre solution que d'occuper définitivement le Mali ! Mais dans quelle intention et pour quel objectif ?
La France veut-t-elle, à la suite du discours de La Baule de François Mitterrand en 1990, pousser à la démocratisation de ces régimes ou bien veut-t-elle, pour protéger ses intérêts, se contenter d’une recherche d'une stabilité et d'un calme bien précaires !

6- Pour l'unité du Mali dans une paix durable : quelles solutions ?
Que doit et que peut faire la France appelée au secours par l'ensemble des protagonistes?
Le premier levier est d'aider le Mali à s'engager enfin et résolument sur la voie du développement par 4 grands axes :

6-1 La réforme de la Politique agricole commune:
Revoir les subventions aux exportations des denrées alimentaires de façon à ne pas tuer les agricultures africaines par des accords bilatéraux ;
Organiser les transferts de technologies dans le domaine agricole, par exemple.

6-2 La formation supérieure:
Organiser de façon contractuelle la formation universitaire et technologique : ne serait-il pas normal que les étudiants maliens formés en France s'engagent à servir dans leur pays pendant quelques années comme c'est le cas pour les jeunes français qui passent les concours de la fonction publique française ?

6-3 La coopération décentralisée:
Organiser le « partage du pouvoir » par une vraie décentralisation : une demande souvent entendue au Mali: les collectivités locales ne sont pas préparées à la mise en place de budgets et de recettes fiscales locales. Les communes françaises ne pourraient-elles pas y contribuer ?

6-4 Le sport:
Combien de jeunes sportifs évoluent-ils en Europe et en France ? Pour mettre fin au scandale de ces jeunes africains déracinés et "jetés " lorsqu'ils ne font pas l'affaire, ne peut-on pas obtenir des instances du foot par exemple de contribuer à mettre en place des centres de formation au Mali même ?

Le deuxième levier est le levier politique et organisationnel
D'abord, s'engager à renégocier les accords de coopération militaire avec les États africains et à supprimer les bases militaires françaises. Le sacro-saint principe de la «stabilité» des pouvoirs en place a en effet agi comme un puissant frein à la démocratisation. En effet, aux yeux de beaucoup d’Africains, l’interventionnisme armé de la France incarne une nouvelle mission civilisatrice occidentale, rappelant à bien des égards la «pacification» de l’ère coloniale.
La perception négative qu’en ont les populations, en particulier les jeunes et les élites des pays concernés, leur impact sur l’image désormais dégradée de la France, nous obligent à poser la question de la validité et des modalités de notre dispositif militaire in situ.
Si nous sommes convaincus de la justesse de cette analyse, nous devrions alors tenir la ligne suivante:
  • laisser la responsabilité exclusive de la négociation aux Africains
  • ne donner de conseils qu'à leur demande, conseils qui ne portent que sur la recherche de solutions pacifiques négociées
  • tenir nos forces armées déjà présentes, loin, très loin des opérations
  • laisser aux Maliens la responsabilité de sortir leur pays des difficultés actuelles
La racine du mal étant la mal-gouvernance politique et le mal-développement économique, conseiller et aider l'installation de la démocratie en même temps que repenser et réformer profondément notre politique d'aide. C'est une urgence aujourd'hui.
Ensuite, n'est-il pas temps pour la France, de conduire une réflexion pour tenir enfin un discours de lucidité sur le passé de la France en Afrique. Oui le Président de la République a raison : la colonisation, fille utérine de l'esclavage, et donc rien d'autre que la poursuite de l'esclavage sur place, oui, la colonisation est bel et bien un « crime contre l'humanité »! Après le tournant raté du cinquantenaire des indépendances des pays d’Afrique subsaharienne, même l’anniversaire de l’indépendance algérienne ne nous a pas permis de rappeler que le statut des populations colonisées, les indigènes, en Afrique au Nord comme au Sud du Sahara, était totalement incompatible avec les valeurs et la devise de la République. L’appel aux travaux des historiens sur la période coloniale devrait mettre fin aux querelles de la mémoire. De même que les conclusions de la justice sur les causes du génocide rwandais permettront au gouvernement de reconnaître les erreurs du passé.
Enfin, suggérer aux Maliens une réorganisation territoriale par un profond mouvement de décentralisation d'un territoire beaucoup trop vaste( près de 3 fois la France, près de 7500 km de frontières) pour n'être gouverné que par un pouvoir central, faible de surcroît, basé à Bamako, à plus de 2000 km de certains points du pays.
La France devrait donc encourager le pouvoir à initier le dialogue inter-Maliens pour faire du Mali un État fédéral : Touaregs au Nord, avec Tombouctou comme chef-lieu ; Peuls au Centre, avec Mopti comme chef-lieu ; Bambaras et Dioulas au Sud avec Bamako comme chef-lieu. Le pouvoir central toujours sis à Bamako, ne prendrait en charge que le régalien: défense nationale, police nationale, enseignement supérieur, relations internationales...par exemple et délèguerait tout le reste aux pouvoirs régionaux.


Dans un monde qui change, l’Afrique change et la France est aussi sur le chemin du changement. Leurs relations doivent elles aussi changer. La jeunesse africaine porte en elle des aspirations à la liberté, à la justice, à l’égalité et au développement économique. Un printemps africain est en train de naître, la France doit être prête à favoriser son éclosion.