Les
causes profondes de l'instabilité du Mali sont historiques. Depuis
que je sais lire et écrire, j'ai toujours entendu dire que les
Touaregs éparpillés entre le sud algérien, la Mauritanie, le
Tchad, la Libye, le Mali et le Niger souhaitent disposer d'un
territoire pour se gérer eux-mêmes tout seuls. Le colonisateur dont
la stratégie était de « diviser pour régner », n'a
jamais répondu à cette demande. Au nom du sacro-saint principe de
« l'intangibilité des frontières », l'avènement des
indépendances, n'a pas permis non plus de donner satisfaction à
cette population. Surfant sur ce réel et profond sentiment
d'injustice et profitant de la faiblesse de la gouvernance malienne,
ayant su créer la jonction entre la rébellion touareg, les
intégristes musulmans de BOKO-HARAM du nord Nigeria et les
extrémistes MUJAO de la bande sud sahélienne, AQMI a lancé la
conquête du Mali dans le but d'en faire le premier État islamique
du monde en Afrique.
Affolé
par la violence des attaques des « fous de Dieu »,
victime de la désertion de sa propre armée et donc incapable
d'assurer la sécurité de ses propres citoyens, le gouvernement
malien se tourne vers la France pour lui demander secours et
protection.
Le
casting gouvernemental en France à cette date-là n’était
pas fameux : un va-t-en-guerre à la Défense et un ministre aux
relations louches au Quai d'Orsay ! Alors la France est projetée
sur le théâtre malien sans avoir pris le temps de réfléchir à
une solution de sortie de crise. Total, nous en sommes aujourd'hui à
un effectif militaire de 4000 hommes, pour contrôler une zone
s'étendant sur plus de 4 millions de km2(Mauritanie, Mali, Tchad,
Niger, Burkina Faso) pour plus de 7400 Km de frontières pour le seul
Mali, et pour courir derrière un ennemi « invisible » et
très mobile y compris dans le sud de la Libye et de l'Algérie, sa
base arrière! Barkhane, c'est des milliers de morts et des dizaines
de milliers de blessés africains, 19 soldats français sacrifiés et
combien de blessés ; Barkhane, c'est aussi 700 millions
d'euros soutirés chaque année au contribuable français...dans quel
but, pour quelle efficacité et pour encore combien de temps ?
1-
Les limites de la force militaire
L'évolution
de ces événements devrait nous enseigner que la seule force des
armes, aussi sophistiquées et aussi performantes qu'elles soient,
n'est pas la solution. Aujourd'hui, on peut appeler à la rescousse
les armées africaines, celles de l'ONU et même celles de l'OTAN et
même en créer une toute neuve, je ne suis pas persuadé d'une
victoire nette, totale et définitive.
En
tous cas, la France devrait éviter, à l'avenir, de se retrouver
seule, face à ce genre de situation et au contraire, elle devrait
chercher désormais -à tout le moins- à intéresser davantage
l'ensemble de ses partenaires européens. Ainsi, le point d’honneur
habituellement mis par la France à assurer seule les opérations de
protection et d’évacuation de ressortissants français et
étrangers lors des crises, déresponsabilise totalement ses
partenaires et justifie au passage la survivance – sans équivalent
– de bases militaires françaises sur le continent africain. Ce
type d’opérations, tout comme les missions ponctuelles de
rétablissement de la paix en appui à l’ONU, devraient être
menées par les groupements tactiques européens (EU
battlegroups) créés en 2007 à cette fin dans le cadre de
l’UE.
2-
Les tensions politiques
En
réalité, le Mali connaît d'importantes tensions politiques qui
opposent pêle-mêle ses très nombreux partis politiques, les
urbains aux ruraux, les ethnies entre elles, les militaires aux
civils, les régions les unes aux autres...le tout couronné par une
longue série ininterrompue de scrutins volés et par une réelle
incurie des pouvoirs successifs, hormis le Président Alpha Konaré
il y a déjà quelques années !
La
«realpolitik» devrait dicter à la France de ne plus soutenir des
régimes incapables de justice, mais d'aider les peuples, en
soutenant partout l'impératif démocratique: liberté, paix,
développement, alternance, pluralisme... Dans le cas contraire, la
seule alternative restant aux peuples africains n'est autre que la
révolution violente dans laquelle la France aurait tout à perdre:
l'exemple du Rwanda qui a tourné le dos à la France est là pour
nous le démontrer...
3-
Les tensions économiques
En
moyenne, un Malien vit (survit !) avec moins de 1€ par jour.
L'aide civile française au développement du Mali stagne à 400
millions d'euros répartis sur plusieurs années alors que, nous
l'avons vu, la seule force Barkhane coûte 700 millions d'euros par
an ! Il est temps pour la France de donner
des signes visibles à la fois pour la stabilité, mais aussi pour le
développement et pour le raffermissement de la démocratie en
Afrique en général, au Mali en particulier. Elle
doit aussi se donner comme objectif d'encourager partout la recherche
de solutions pacifiques négociées plutôt que de fournir des hommes
et des armes. En effet, les
peuples africains aspirent au développement et ont pris conscience
que ce développement passe par la paix et la démocratie politique.
4-
Les tensions sociales
Il
faut avoir vu Bamako et ses marchés ; il faut avoir été reçu
chez l'élite malienne au bord du fleuve ; il faut avoir connu
la campagne profonde, ses agriculteurs, ses pêcheurs, ses
éleveurs... pour comprendre que le sous-développement est à
plusieurs vitesses ici. Pendant que les élites se gobergent au
caviar et au champagne, la masse des petits commerçants, artisans,
paysans, éleveurs...les femmes, les enfants n'ont pas de quoi manger
convenablement, se soigner, fréquenter l'école. Une somme
d'injustices qui est une véritable bombe à retardement. C'est ce
cocktail qui fait la société malienne et qui donc en justifie les
vives tensions sociales.
Les
premières victimes d'une telle société sont la jeunesse malienne :
45% de Maliens n'ont pas 15 ans. Tous ces
jeunes partagent eux aussi avec la jeunesse française, l'aspiration
à la démocratie, à la liberté et au respect de leurs droits
élémentaires. On y trouve l'exaspération face à l’injustice
sociale et les inégalités, les manquements à l’indépendance de
la justice, et la colère face à la confiscation du pouvoir par un
clan ainsi qu'à des joutes électorales inutiles car jouées
d’avance.
5-
Le risque de l'enlisement
Pour
soutenir l'effort d'une guerre qu'elle a volontairement engagée dans
un pays étranger, la France a multiplié les bases militaires
françaises dans le Sahel, d’Atar en Mauritanie à Faya Largeau et
Zouar au Tchad, en passant par Tessalit et Gao au Mali. Et
il n'est pas exclu que plusieurs autres postes soient créés plus au
nord, en bordure des frontières libyennes. « Il faut des
capacités à faire bouger rapidement nos pions » a déclaré
un diplomate. En langage moins diplomatique, ça se dit : « La
France doit rester le gendarme de l'Afrique ».
Les
contingents français sont alors appelés à être intégrés dans
des unités nationales et appuyés par les bases
existantes dans les capitales et grandes
villes dans les anciennes AOF et AEF, de Dakar
à Libreville, en passant par Abidjan, Ouagadougou, Niamey,
N’Djamena, Yaoundé.
Cette
présence française renforcée,
diamétralement opposée à ce que nous avions dit pendant la
campagne de 2012, veut-elle signifier que notre armée deviendrait
une armée d'occupation ? Jusqu'à quand doit-elle rester sur
place ? Si la réponse est celle donnée depuis Gao par le
Président de la République, « ...jusqu'à l'élimination
complète des terroristes... », je crains fort que nous n'ayons
alors pas d'autre solution que d'occuper définitivement le Mali !
Mais
dans quelle intention et pour quel objectif ?
La
France veut-t-elle, à la suite du discours de La Baule de François
Mitterrand en 1990, pousser
à la démocratisation de ces régimes ou bien
veut-t-elle, pour protéger ses intérêts, se contenter
d’une recherche d'une stabilité et d'un calme bien précaires !
6-
Pour l'unité du Mali dans une paix durable : quelles
solutions ?
Que doit
et que peut faire la France appelée au secours par l'ensemble des
protagonistes?
Le
premier levier
est d'aider le Mali à s'engager enfin et résolument sur la voie du
développement par 4 grands axes :
6-1
La
réforme de la Politique agricole commune:
Revoir
les subventions aux exportations des denrées alimentaires de façon
à ne pas tuer les agricultures africaines par des accords
bilatéraux ;
Organiser
les transferts de technologies dans le domaine agricole, par exemple.
6-2
La formation supérieure:
Organiser
de façon contractuelle la formation universitaire et technologique :
ne serait-il pas normal que les étudiants maliens formés en France
s'engagent à servir dans leur pays pendant quelques années comme
c'est le cas pour les jeunes français qui passent les concours de la
fonction publique française ?
6-3
La coopération décentralisée:
Organiser
le « partage du pouvoir » par une vraie
décentralisation : une demande souvent entendue au Mali: les
collectivités locales ne sont pas préparées à la mise en place de
budgets et de recettes fiscales locales. Les communes françaises ne
pourraient-elles pas y contribuer ?
6-4
Le sport:
Combien de
jeunes sportifs évoluent-ils en Europe et en France ? Pour
mettre fin au scandale de ces jeunes africains déracinés et "jetés
" lorsqu'ils ne font pas l'affaire, ne peut-on pas obtenir des
instances du foot par exemple de contribuer à mettre en place des
centres de formation au Mali même ?
Le
deuxième levier est
le levier
politique et organisationnel
D'abord,
s'engager à renégocier les accords de coopération militaire avec
les États africains et à supprimer les bases militaires françaises.
Le sacro-saint principe de la «stabilité» des pouvoirs en place a
en effet agi comme un puissant frein à la démocratisation. En
effet, aux
yeux de beaucoup d’Africains, l’interventionnisme armé de la
France incarne une nouvelle mission civilisatrice occidentale,
rappelant à bien des égards la «pacification» de l’ère
coloniale.
La
perception négative qu’en ont les populations, en particulier les
jeunes et les élites des pays concernés, leur impact sur l’image
désormais dégradée de la France, nous obligent à poser la
question de la validité et des modalités de notre dispositif
militaire in
situ.
Si nous
sommes convaincus de la justesse de cette analyse, nous devrions
alors tenir la ligne suivante:
- laisser la responsabilité exclusive de la négociation aux Africains
- ne donner de conseils qu'à leur demande, conseils qui ne portent que sur la recherche de solutions pacifiques négociées
- tenir nos forces armées déjà présentes, loin, très loin des opérations
- laisser aux Maliens la responsabilité de sortir leur pays des difficultés actuelles
La racine
du mal étant la mal-gouvernance politique et le mal-développement
économique, conseiller et aider l'installation de la démocratie en
même temps que repenser et réformer profondément notre politique
d'aide. C'est une urgence aujourd'hui.
Ensuite,
n'est-il pas temps pour la France, de conduire une réflexion pour
tenir enfin un discours de lucidité sur le passé de la France en
Afrique. Oui le Président de la République a raison : la
colonisation, fille utérine de l'esclavage, et donc rien d'autre que
la poursuite de l'esclavage sur place, oui, la colonisation est bel
et bien un « crime
contre l'humanité »!
Après le tournant raté du cinquantenaire des indépendances des
pays d’Afrique subsaharienne, même l’anniversaire de
l’indépendance algérienne ne nous a pas permis de rappeler que le
statut des populations colonisées, les indigènes, en Afrique au
Nord comme au Sud du Sahara, était totalement incompatible avec les
valeurs et la devise de la République. L’appel aux travaux des
historiens sur la période coloniale devrait mettre fin aux querelles
de la mémoire. De même que les conclusions de la justice sur les
causes du génocide rwandais permettront au gouvernement de
reconnaître les erreurs du passé.
Enfin,
suggérer aux Maliens une réorganisation territoriale par un profond
mouvement de décentralisation d'un territoire beaucoup trop vaste(
près de 3 fois la France, près de 7500 km de frontières) pour
n'être gouverné que par un pouvoir central, faible de surcroît,
basé à Bamako, à plus de 2000 km de certains points du pays.
La
France devrait donc encourager le pouvoir à initier
le dialogue inter-Maliens pour faire du Mali un État fédéral :
Touaregs au Nord, avec Tombouctou comme chef-lieu ; Peuls au
Centre, avec Mopti comme chef-lieu ; Bambaras et Dioulas au Sud
avec Bamako comme chef-lieu. Le pouvoir central toujours sis à
Bamako, ne prendrait en charge que le régalien:
défense nationale, police nationale, enseignement supérieur,
relations internationales...par exemple et délèguerait tout le
reste aux pouvoirs régionaux.
Dans un
monde qui change, l’Afrique change et la France est aussi sur le
chemin du changement. Leurs relations doivent elles aussi changer. La
jeunesse africaine porte en elle des aspirations à la liberté, à
la justice, à l’égalité et au développement économique. Un
printemps africain est en train de naître, la France doit être
prête à favoriser son éclosion.
Mr Koffi Yamgnan ne reste pas dans ton BLède en France pour être donneur de leçons... Tu avais oublié d'avoir menti aux jeunes de Gbossimé que la France va t'aider à prendre le pouvoir en 2010 et certains jeunes(Innocent Ino Assima et Azianlékor) étaient emprisonnés nuitamment pour tes fausse promesse. Et après tu es reparti en France les laissant en prison dans la gueule du loup comme si rien n'était... Toi qui accuse l'opposition tu n'as même pas de résidence au Togo et tu parles de quoi alors...
RépondreSupprimerCher Monsieur DEKPO,
SupprimerPremièrement, je n'ai jamais dit à personne que j'attendais que la France me mette au pouvoir au Togo, car c'est contraire à mes convictions profondes; tous ceux qui me connaissent vous le diront, y compris les Français. PERSONNE d'autre que les Togolais eux-mêmes ne prendra le pouvoir au Togo pour vous. Si vous voulez que ça change, il faut le faire par nous-mêmes et arrêter de croire aux marchands d'illusion de nos "oppositions" dont la nullité n'a d'égale que leur EGO surdimensionnés.
Et pourquoi aurais-je besoin de déposer au Togo un tas de briques les unes sur les autres? Pour faire voir que j'en ai les moyens? Non, merci, ce n'est pas un objectif pour moi.
Quant à Innocent et Narcisse, vous feriez mieux de leur demander ce qu'ils ont fait par rapport à ce que je leur ai toujours enseigné...