Qu’est-ce qui a changé au Togo depuis le 4 mars 2010, jour de la « réélection » de Faure Gnassingbé à la Présidence de la République togolaise ? Mon dernier séjour au Togo me permet de faire un bilan de 12 mois de présidence de Faure Gnassingbé et de son gouvernement RPT/AGO. Ce bilan porte sur les faits, rien que les faits.
1. Sur le plan économique : une inflation inquiétante
Il est établi publiquement et de plus en plus de journaux privés relaient l’angoisse des populations face au phénomène de la vie chère.
Ø l’augmentation du tarif de la mouture du bol de maïs, passé de 100 à 150 CFA (50% d’augmentation) à compter du 1er février 2011.
Ø dès le lendemain de la réinstallation de Faure Gnassingbé, les péages routiers ont été remis en place, les taxes sur les produits pétroliers fortement augmentées, grevant gravement le prix des transports
Ø le prix des transports et du courant électrique affectent les coûts des denrées alimentaires qui ont connu des augmentations allant de 33% à 280%. Le 3 février dernier, l’ATC (Association togolaise des Consommateurs) a organisé une réunion sur la vie chère au Togo. L’ATC a entamé, du 3 au 16 février 2011, une tournée de sensibilisation dans les grandes villes, afin d’amener les différentes couches sociales à réfléchir sur ce phénomène et à faire, le cas échéant, des propositions aux décideurs. Elle exige d’ores et déjà la suppression des « faux frais » (effet corrosif de la corruption !) sur les produits essentiels.
Ø sous le titre « sur le marché, le panier de la ménagère difficile à porter », le quotidien pro gouvernemental « Togo-Presse » évoque le phénomène de la vie chère qui s’est installé au Togo. Ce journal constate que « satisfaire au moins un repas par jour devient un casse-tête chinois pour bon nombre de ménages. Beaucoup de citoyens se demandent quels sont les mobiles de cette inflation grandissante ». Il ajoute que « les prix des produits alimentaires restent trop élevés en dépit de bonnes récoltes de céréales cette année ».
Ø il ressort d’un micro-trottoir dans la capitale, réalisé toujours par « Togo-Presse » que « la situation est très complexe pour un togolais moyen qui dépense jusqu’à 80% de son budget pour l’alimentation ».
Sur différents marchés de Lomé, on peut noter :
Ø le bol de maïs est passé de 250 à 500 CFA (augmentation de 100%)
Ø le bol de sorgho de 300 à 600 CFA (100%)
Ø le panier moyen de petits poissons de 2500 à 7000 CFA (280%)
Ø le litre d’huile de 600 à 1000 CFA (67%);
Ø le sac de riz de 50 kg de 11 000 à 15 000 CFA (36%)
Ø le bol de haricot de 600 à 1000 CFA (67%)
Ø le sac de charbon de bois pour la cuisine de 12 000 à 16 000 CFA (33%)
Ø les autres condiments ne sont pas du reste : le sucre, le piment, l’oignon, le sel, la farine de manioc et les légumes ont vu leurs prix augmenter de 35% à 100%.
- Sur le plan politique : une démocratie introuvable
Ø Refus de rencontrer l’opposition : le président se contente de débaucher quelques « hommes faibles », discrédités et isolés...
Ø Les libertés individuelles et collectives sont bafouées : les manifestations, prévues et reconnues par notre Constitution, sont interdites en semaine. Quand elles sont tolérées le samedi, elles doivent suivre un parcours unique obligatoire désigné par le pouvoir. Le vent de liberté qui souffle sur l’Afrique a semé la panique au sommet de l’Etat: dans son affolement, le gouvernement a adopté un projet de loi pour interdire toute manifestation, toute marche de protestation et tout rassemblement dont tout contrevenant sera puni de 1 à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 à 5 millions CFA d’amende… digne des meilleures dictatures du siècle dernier!
Ø Espionnite et délation sont promues au rang de méthodes de gouvernance: tous les Togolais sont sur écoute téléphonique, y compris les responsables militaires ainsi réduits à avoir peur les uns des autres…
Ø Faure Gnassingbé a fait « limoger » par sa Cour constitutionnelle, 9 députés de l’opposition : un vrai scandale !
Ø La liberté de la presse dont il s’est vanté urbi et orbi est remise en cause: des radios et journaux privés sont interdits, d’autres sont menacés de fermeture ; d’autres encore sont frappés par des amendes si lourdes qu’ils sont dans l’obligation de fermer ou de quitter le pays.
Ø Tout se passe comme si le Togo était placé en état d’urgence et sous couvre feu : arrestations nocturnes arbitraires d’opposants, ensuite jetés en prison sans preuve et sans jugement.
Ø Mutation arbitraire de fonctionnaires repérés ou supposés opposants
3- Quelques propositions
Ø Soulager le panier de la mère de famille par des subventions et autres aides pour les produits de première nécessité (produits vivriers, carburants, péages routiers, transports, électricité, eau, téléphone…).
Ø Renoncer au volet répressif du projet de loi sur l’encadrement des rassemblements, marches et manifestations publiques.
Ø Renoncer à tous les textes, faits et gestes qui nous divisent afin de crédibiliser les travaux de la CVJR, de circonscrire les « conflits » et d’apaiser tous les Togolais
Ø Etablir le scrutin à 2 tours pour les prochaines échéances
Ø Revenir à la Constitution de 1992
Ø Décentraliser pour administrer au plus près et partager le pouvoir entre tous les partis représentatifs dans la vie publique
Ø Restituer son indépendance à la justice
Ø Donner ses chances à la démocratie élective en renonçant définitivement à la fraude électorale
Ø Recomposer la CENI avec justice et équité
Ø Associer toutes les oppositions à l’analyse des résultats du dernier RGPH et à la confection des listes électorales qui en découlera
L’ensemble de ces revendications et la volonté du gouvernement de leur donner une suite favorable seront un indicateur de sa capacité d’écoute ou de son entêtement dans la voie de ses habituelles démonstrations de force et de la répression aveugle dont il est coutumier.
Il ne s’agit en aucun cas d’un quelconque préalable à l’ouverture d’éventuelles discussions, mais des suggestions constructives en responsabilité.
C’est « le prix » à payer pour l’apaisement de la vie politique et sociale de notre pays. En cas de refus de sa part, ce sera aussi le guide des revendications à venir et du risque certain à courir pour la paix sociale au Togo.
Kofi Yamgnane
Président de SURSAUT