mercredi 20 novembre 2013

France : vous avez dit étrange ?



Il y a seulement quelques jours, certains Français, y compris une fillette de 10 ans à Angers, traitaient de singes, à travers Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la justice, tous les Noirs de France et de partout.
Aujourd'hui, ces mêmes Français ont retrouvé honneur et fierté à travers Mamadou Sakho, auteur de 2 des 3 buts français contre l'Ukraine.
Comme quoi, un singe peut descendre de son arbre pour redonner noblesse aux humains qui sont pourtant « suffisamment rentrés dans l'Histoire »
Étrange France ! 

AFRIQUE, DÉMOCRATIE, FRANCAFRIQUE…

Pour Kofi YAMGNANE , "la démocratie ne peut s'ancrer qu'à la base".


Maire de Saint-Coulitz, en Bretagne, député, ministre, vice-président du Conseil Général du Finistère, membre du Conseil Régional de Bretagne, lui qui a appris la langue bretonne, fut même désigné comme Breton de l’année en 1990 par les lecteurs d’Armor Magazine.  Né au Togo, naturalisé français en 1975, Kofi Yamgnane, qui oeuvre depuis trente ans au coeur de la société française, est ainsi devenu le symbole d'une intégration particulièrement réussie tout en étant toujours resté profondément fidèle à son pays d’origine. Dans son nouveau livre, « Afrique, introuvable démocratie », écrit, sans « langue de bois » et en collaboration avec le journaliste Hervé Quéméner, Kofi Yamgnane aborde la question de l’avenir de l'Afrique et de sa place dans le monde. Après avoir été exclu des précédentes élections présidentielles, Kofi passe la moitié de son temps au Togo, et pourrait bien être à nouveau candidat en 2015. Est-il encore possible de faire de ce pays, qui ne manque assurément pas d’atouts, un exemple de redressement politique, économique et démocratique. Kofi Yamgnane a accepté de  nous livrer ses analyses et propositions à l’occasion de la publication de ce livre.*
Global Local Forum : Monsieur le MInistre, dans votre dernier livre, vous faites une analyse sévère et sans concessions de la situation politique au Togo. Et pourtant vous restez optimiste quant à l’avenir de l’Afrique. Le constat serait-il généralisable à l’ensemble du continent subsaharien ? Pour vous, la Francafrique existe-t-elle toujours alors que bien d’autres grandes et moyennes puissances sont déjà plus influentes et que l’on peut parfois se demander si le concept n’est pas parfois inversé … ?
Kofi Yamgnane : L'analyse que je livre dans « Afrique, introuvable démocratie », est d'abord un constat de ce qu'il convient d'appeler par son nom : le grand échec de la plupart des États africains ; échec en matière des droits de l'Homme et des libertés privées et publiques, échec en matière électorale et de partage du pouvoir, échec en matière économique, échec en matière de gouvernance, échec en matière de développement... La conséquence caricaturale de ces échecs se voit clairement aujourd'hui, 50 ans après l'accès de ces pays à la souveraineté internationale : c'est le grand désespoir social s'incarnant dans les guerres internes qui sévissent sur mon continent de naissance. C'est par contre-coup l'incapacité du continent de faire face aux tentatives de déstabilisation de pays comme la RDC ou du Mali ; c'est l'incapacité d'organiser sa défense et sa sécurité ; c'est la propension à toujours appeler à l'aide les anciennes puissances coloniales...  Ce constat est fait pour l'ensemble des pays d'Afrique, le Togo ne servant que d'illustration.  Quant à la Francafrique, malgré l'intrusion de puissances comme la Chine ou l'Inde, elle existe de fait car elle n'est pas seulement l'ensemble de ces relations incestueuses entre la France et les pays africains, avec circulation de type mafieux d'argent, de pierres précieuses...etc, mais aussi ces relations permanentes de dominant à dominé à travers cette économie d'extraction dont souffrent les Africains.
GLF: Êtes-vous d’accord avec cette observation de Mamadou Diouf * en référence au célèbre discours de La Baule pour qui la démocratie est un processus qui ne peut se réduire à des mécanismes formels ? Quelle place faites-vous à la démocratie locale, au développement local ? à l’approche territoriale du développement ?
KY : En effet la démocratie « ne peut se réduire à des mécanismes formels » : multipartisme, élections. Certains chefs d'État africains ont réussi à en faire des coquilles vides : multipartisme de façade, élections complètement truquées, absence d'alternance, libertés confisquées, presse sous total contrôle.   Leur objectif, c'est de rester au pouvoir quoi qu'il arrive. Ils refusent donc tout partage de ce qu'ils considèrent comme un gâteau privé. Car en réalité, la démocratie ne peut s'ancrer qu'à la base : décentralisation réelle, création de collectivités locales et/ou territoriales afin que le pouvoir local s'installe au plus près des populations et sous leur contrôle. C'est de la démocratie locale et du pouvoir local que peut naître le développement local et sans développement local, il ne peut y avoir de développement global.
GLF La coopération décentralisée dont vous avez été l’un des principaux initiateurs, et pas seulement en Bretagne,  peut-elle - quitte à être repensée ou renouvelée s’il le faut - jouer un rôle moteur dans le rapprochement entre les continents voisins que sont l’Europe et l’Afrique, par exemple à la manière de celui, décisif, joué par les jumelages franco-allemands d’après-guerre ? Votre expérience tant gouvernementale que sur le terrain, à Saint-Coulitz – où vous avez créé un Conseil des Sages, à l’africaine  - que dans le développement de la Bretagne, pourrait-elle aider au développement de l’Afrique ?
KY : La coopération décentralisée est le vrai moyen de rapprocher les hommes et les peuples : elle les oblige à la rencontre, à apprendre à mieux se connaître, à partager symétriquement leurs savoirs et leurs savoir-faire. Donc elle favorise le rapprochement des continents et des hommes qui les habitent ; elle aide au dialogue des cultures et à l'amitié des peuples. C'est ainsi que je juge l'instauration de la paix entre la France et l'Allemagne, deux pays qui se sont battus dans des guerres meurtrières invraisemblables mais dont les jeunesses travaillent la main dans la main aujourd'hui.  Bien sûr je compte sur ma longue expérience en Bretagne et en France pour aider mon continent de naissance à trouver enfin le chemin du bien-vivre-ensemble et du développement. Arrivé en France en septembre 1964 avec le baccalauréat obtenu à Lomé au mois de juin précédent, j'ai connu une Bretagne aussi peu développée et aussi pauvre que mon Togo natal de la même époque. J'ai vu se lever cette région, grâce à la volonté et au sens de l'organisation de quelques hommes et grâce au travail de tous, j'ai été témoin du décollage de la Bretagne. PME/PMI, artisans, agriculteurs, pêcheurs, coopératives, banques...etc. Ce n'est pas pour rien que la Bretagne est devenue aujourd'hui la première Région agricole d'Europe et en terme de développement et d'organisation, comparable aux plus grandes Régions d'Europe telles que la Bavière ou la Catalogne. J'ai la ferme conviction de pouvoir faire de même de mon pays et du continent africain, bien entendu en s'adaptant aux conditions locales.  J'ai la conviction que cela est possible parce que le milieu culturel africain ressemble beaucoup au breton : ce n'est pas pour rien que mon initiative du Conseil des Sages à Saint Coulitz s'est rapidement répandue en Bretagne avant de conquérir la France. 
GLF : Avez-vous toujours comme projet de vous présenter aux prochaines élections présidentielles au Togo ?
KY : Oui, j'ai bien l'intention de me présenter à cette élection-clé pour la démocratie et le développement pour le Togo. J'ai un projet de société pour mon pays natal : remplacer cette société de peur par une société de paix. Réconcilier les Togolais entre eux après 50 ans de crimes de sang, de crimes économiques, de crimes écologiques ; donner à manger à leur faim à tous les Togolais ; permettre l'accès de tous à la santé et à l'instruction ; donner du travail à la jeunesse togolaise aujourd'hui au chômage à plus de 50%, puisque  le travail ne manque pas : tout est à faire ! Je sais que cela ne va pas être facile car le pouvoir est déjà en train de chercher les moyens de m'empêcher d'aller à cette compétition, comme il l'a fait en 2010. Mais aujourd'hui je connais mieux l'adversaire... J'ajoute juste que la politique coûte cher et que je compte sur tous les démocrates et tous les humanistes pour me donner « un coup de main » 

vendredi 15 novembre 2013

Kofi Yamgnane: "trois cartons pleins" d'injures racistes du temps où il était ministre



13 novembre 2013
Kofi Yamgnane possède trois cartons pleins d'insultes racistes datant de l'époque où il était secrétaire d'Etat de François Mitterrand (1991-93). Aujourd'hui âgé de 68 ans, l'ancien maire franco-togolais de Saint-Coulitz (Finistère) "réfléchit", à contrecoeur, à prendre la tête d'une croisade contre le racisme.

QUESTION: Avez-vous été confronté au racisme quand vous étiez ministre de l'Intégration?
REPONSE: "Quand j'étais aux affaires politiques, j'ai eu bien sûr des lettres d'injures, des menaces de mort. J'en ai trois cartons pleins à la maison. Du genre « vous ne croyez pas que vous allez commander? Les singes n'ont jamais commandé ici ». Mais c'était anonyme. La différence d'avec aujourd'hui, c'est que la parole raciste ne se cache plus.
En 1991, j'étais au gouvernement, je me suis rendu dans ma circonscription dans une usine de la Société nationale des poudres et explosifs (pour présenter un plan de reconversion afin de fabriquer des airbags). J'ai été accueilli par les syndicats, par la CFDT, aux cris de « espèce de singe »..., « retourne dans ton arbre ». Aujourd'hui, il reste 60 ouvriers qui fabriquent de la poudre, mais ils sont 1.400 à produire des airbags. « Moi, je suis resté avec cette blessure profonde, causée par des syndicalistes qui m'ont craché à la figure."

Q: Mercredi sur France info, vous avez déclaré que la France n'était pas devenue raciste, qu'elle l'avait toujours été.
R: "Je n'aurais pas dû le dire comme ça. Le peuple français n'est pas raciste. La France, dans ses institutions républicaines, n'est pas raciste car elle considère que le racisme n'est pas une opinion comme une autre: c'est un délit puni par la loi. Il n'empêche que dans le peuple français comme dans tous les peuples, il y a une lie humaine qui pense qu'il y a des hommes qui sont inférieurs à d'autres, qui considère les Noirs comme inférieurs. C'est ancré dans la mentalité française, sauf chez les gens suffisamment instruits. Pour les autres, nous sommes des sous-hommes.
Alors, quand quelqu'un qui a du mal à joindre les deux bouts entend un homme politique dire que le Noir n'est pas entré dans l'Histoire, il pense: « ce sont des singes, ils ne sont pas entrés dans l'histoire des Hommes ». Des paroles comme ça sont responsables de la désinhibition du racisme. Elles doivent être punies, même si elles viennent d'un président de la République. Quand on voit des parents, des incultes, des ignares, qui laissent leur enfant de 10 ans dire « une banane pour la guenon », c'est invraisemblable. Cette gamine va devoir vivre avec ça le reste de sa vie."

Q: Que pensez-vous des insultes racistes à l'encontre de la ministre de la Justice Christiane Taubira et de la Une de l'hebdomadaire Minute?
R: "Le président de la République est le garant de l'unité du peuple de France. Il aurait dû réagir tout de suite en disant +stop, là il y a une ligne qu'on ne franchit pas+. Il faut fermer Minute qui n'est pas un journal républicain. La loi le permet, il faut appliquer la loi.  Ce qui se passe est très très grave. A quand les ratonnades ? Depuis que je suis passé sur France info, j'ai reçu 221 messages d'Africains, d'Arabes, de Chinois qui me disent: +il faut que tu prennes la tête d'une organisation. Il faut qu'on se batte+. Je suis en train d'y réfléchir. Ce serait à contrecoeur. J'ai toujours refusé ce genre de choses car je suis un républicain. Je crois en l'idée de Nation. Le peuple français n'est pas une ethnie, c'est une superposition de peuples. Mais je sens bien que je n'aurai plus le choix, je sens bien qu'il faut dire « stop ». Ce qu'il faut c'est trouver comment améliorer le vivre ensemble."


Propos recueillis par Patrick BAERT.