Pour Kofi YAMGNANE , "la démocratie ne peut s'ancrer qu'à la base".
Maire de Saint-Coulitz, en Bretagne, député, ministre, vice-président du Conseil Général du Finistère, membre du Conseil Régional de Bretagne, lui qui a appris la langue bretonne, fut même désigné comme Breton de l’année en 1990 par les lecteurs d’Armor Magazine. Né au Togo, naturalisé français en 1975, Kofi Yamgnane, qui oeuvre depuis trente ans au coeur de la société française, est ainsi devenu le symbole d'une intégration particulièrement réussie tout en étant toujours resté profondément fidèle à son pays d’origine. Dans son nouveau livre, « Afrique, introuvable démocratie », écrit, sans « langue de bois » et en collaboration avec le journaliste Hervé Quéméner, Kofi Yamgnane aborde la question de l’avenir de l'Afrique et de sa place dans le monde. Après avoir été exclu des précédentes élections présidentielles, Kofi passe la moitié de son temps au Togo, et pourrait bien être à nouveau candidat en 2015. Est-il encore possible de faire de ce pays, qui ne manque assurément pas d’atouts, un exemple de redressement politique, économique et démocratique. Kofi Yamgnane a accepté de nous livrer ses analyses et propositions à l’occasion de la publication de ce livre.*
Global Local Forum : Monsieur le MInistre, dans votre dernier livre, vous faites une analyse sévère et sans concessions de la situation politique au Togo. Et pourtant vous restez optimiste quant à l’avenir de l’Afrique. Le constat serait-il généralisable à l’ensemble du continent subsaharien ? Pour vous, la Francafrique existe-t-elle toujours alors que bien d’autres grandes et moyennes puissances sont déjà plus influentes et que l’on peut parfois se demander si le concept n’est pas parfois inversé … ?
Kofi Yamgnane : L'analyse que je livre dans « Afrique, introuvable démocratie », est d'abord un constat de ce qu'il convient d'appeler par son nom : le grand échec de la plupart des États africains ; échec en matière des droits de l'Homme et des libertés privées et publiques, échec en matière électorale et de partage du pouvoir, échec en matière économique, échec en matière de gouvernance, échec en matière de développement... La conséquence caricaturale de ces échecs se voit clairement aujourd'hui, 50 ans après l'accès de ces pays à la souveraineté internationale : c'est le grand désespoir social s'incarnant dans les guerres internes qui sévissent sur mon continent de naissance. C'est par contre-coup l'incapacité du continent de faire face aux tentatives de déstabilisation de pays comme la RDC ou du Mali ; c'est l'incapacité d'organiser sa défense et sa sécurité ; c'est la propension à toujours appeler à l'aide les anciennes puissances coloniales... Ce constat est fait pour l'ensemble des pays d'Afrique, le Togo ne servant que d'illustration. Quant à la Francafrique, malgré l'intrusion de puissances comme la Chine ou l'Inde, elle existe de fait car elle n'est pas seulement l'ensemble de ces relations incestueuses entre la France et les pays africains, avec circulation de type mafieux d'argent, de pierres précieuses...etc, mais aussi ces relations permanentes de dominant à dominé à travers cette économie d'extraction dont souffrent les Africains.
GLF: Êtes-vous d’accord avec cette observation de Mamadou Diouf * en référence au célèbre discours de La Baule pour qui la démocratie est un processus qui ne peut se réduire à des mécanismes formels ? Quelle place faites-vous à la démocratie locale, au développement local ? à l’approche territoriale du développement ?
KY : En effet la démocratie « ne peut se réduire à des mécanismes formels » : multipartisme, élections. Certains chefs d'État africains ont réussi à en faire des coquilles vides : multipartisme de façade, élections complètement truquées, absence d'alternance, libertés confisquées, presse sous total contrôle. Leur objectif, c'est de rester au pouvoir quoi qu'il arrive. Ils refusent donc tout partage de ce qu'ils considèrent comme un gâteau privé. Car en réalité, la démocratie ne peut s'ancrer qu'à la base : décentralisation réelle, création de collectivités locales et/ou territoriales afin que le pouvoir local s'installe au plus près des populations et sous leur contrôle. C'est de la démocratie locale et du pouvoir local que peut naître le développement local et sans développement local, il ne peut y avoir de développement global.
GLF : La coopération décentralisée dont vous avez été l’un des principaux initiateurs, et pas seulement en Bretagne, peut-elle - quitte à être repensée ou renouvelée s’il le faut - jouer un rôle moteur dans le rapprochement entre les continents voisins que sont l’Europe et l’Afrique, par exemple à la manière de celui, décisif, joué par les jumelages franco-allemands d’après-guerre ? Votre expérience tant gouvernementale que sur le terrain, à Saint-Coulitz – où vous avez créé un Conseil des Sages, à l’africaine - que dans le développement de la Bretagne, pourrait-elle aider au développement de l’Afrique ?
KY : La coopération décentralisée est le vrai moyen de rapprocher les hommes et les peuples : elle les oblige à la rencontre, à apprendre à mieux se connaître, à partager symétriquement leurs savoirs et leurs savoir-faire. Donc elle favorise le rapprochement des continents et des hommes qui les habitent ; elle aide au dialogue des cultures et à l'amitié des peuples. C'est ainsi que je juge l'instauration de la paix entre la France et l'Allemagne, deux pays qui se sont battus dans des guerres meurtrières invraisemblables mais dont les jeunesses travaillent la main dans la main aujourd'hui. Bien sûr je compte sur ma longue expérience en Bretagne et en France pour aider mon continent de naissance à trouver enfin le chemin du bien-vivre-ensemble et du développement. Arrivé en France en septembre 1964 avec le baccalauréat obtenu à Lomé au mois de juin précédent, j'ai connu une Bretagne aussi peu développée et aussi pauvre que mon Togo natal de la même époque. J'ai vu se lever cette région, grâce à la volonté et au sens de l'organisation de quelques hommes et grâce au travail de tous, j'ai été témoin du décollage de la Bretagne. PME/PMI, artisans, agriculteurs, pêcheurs, coopératives, banques...etc. Ce n'est pas pour rien que la Bretagne est devenue aujourd'hui la première Région agricole d'Europe et en terme de développement et d'organisation, comparable aux plus grandes Régions d'Europe telles que la Bavière ou la Catalogne. J'ai la ferme conviction de pouvoir faire de même de mon pays et du continent africain, bien entendu en s'adaptant aux conditions locales. J'ai la conviction que cela est possible parce que le milieu culturel africain ressemble beaucoup au breton : ce n'est pas pour rien que mon initiative du Conseil des Sages à Saint Coulitz s'est rapidement répandue en Bretagne avant de conquérir la France.
GLF : Avez-vous toujours comme projet de vous présenter aux prochaines élections présidentielles au Togo ?
KY : Oui, j'ai bien l'intention de me présenter à cette élection-clé pour la démocratie et le développement pour le Togo. J'ai un projet de société pour mon pays natal : remplacer cette société de peur par une société de paix. Réconcilier les Togolais entre eux après 50 ans de crimes de sang, de crimes économiques, de crimes écologiques ; donner à manger à leur faim à tous les Togolais ; permettre l'accès de tous à la santé et à l'instruction ; donner du travail à la jeunesse togolaise aujourd'hui au chômage à plus de 50%, puisque le travail ne manque pas : tout est à faire ! Je sais que cela ne va pas être facile car le pouvoir est déjà en train de chercher les moyens de m'empêcher d'aller à cette compétition, comme il l'a fait en 2010. Mais aujourd'hui je connais mieux l'adversaire... J'ajoute juste que la politique coûte cher et que je compte sur tous les démocrates et tous les humanistes pour me donner « un coup de main »
Global Local Forum : Monsieur le MInistre, dans votre dernier livre, vous faites une analyse sévère et sans concessions de la situation politique au Togo. Et pourtant vous restez optimiste quant à l’avenir de l’Afrique. Le constat serait-il généralisable à l’ensemble du continent subsaharien ? Pour vous, la Francafrique existe-t-elle toujours alors que bien d’autres grandes et moyennes puissances sont déjà plus influentes et que l’on peut parfois se demander si le concept n’est pas parfois inversé … ?
Kofi Yamgnane : L'analyse que je livre dans « Afrique, introuvable démocratie », est d'abord un constat de ce qu'il convient d'appeler par son nom : le grand échec de la plupart des États africains ; échec en matière des droits de l'Homme et des libertés privées et publiques, échec en matière électorale et de partage du pouvoir, échec en matière économique, échec en matière de gouvernance, échec en matière de développement... La conséquence caricaturale de ces échecs se voit clairement aujourd'hui, 50 ans après l'accès de ces pays à la souveraineté internationale : c'est le grand désespoir social s'incarnant dans les guerres internes qui sévissent sur mon continent de naissance. C'est par contre-coup l'incapacité du continent de faire face aux tentatives de déstabilisation de pays comme la RDC ou du Mali ; c'est l'incapacité d'organiser sa défense et sa sécurité ; c'est la propension à toujours appeler à l'aide les anciennes puissances coloniales... Ce constat est fait pour l'ensemble des pays d'Afrique, le Togo ne servant que d'illustration. Quant à la Francafrique, malgré l'intrusion de puissances comme la Chine ou l'Inde, elle existe de fait car elle n'est pas seulement l'ensemble de ces relations incestueuses entre la France et les pays africains, avec circulation de type mafieux d'argent, de pierres précieuses...etc, mais aussi ces relations permanentes de dominant à dominé à travers cette économie d'extraction dont souffrent les Africains.
GLF: Êtes-vous d’accord avec cette observation de Mamadou Diouf * en référence au célèbre discours de La Baule pour qui la démocratie est un processus qui ne peut se réduire à des mécanismes formels ? Quelle place faites-vous à la démocratie locale, au développement local ? à l’approche territoriale du développement ?
KY : En effet la démocratie « ne peut se réduire à des mécanismes formels » : multipartisme, élections. Certains chefs d'État africains ont réussi à en faire des coquilles vides : multipartisme de façade, élections complètement truquées, absence d'alternance, libertés confisquées, presse sous total contrôle. Leur objectif, c'est de rester au pouvoir quoi qu'il arrive. Ils refusent donc tout partage de ce qu'ils considèrent comme un gâteau privé. Car en réalité, la démocratie ne peut s'ancrer qu'à la base : décentralisation réelle, création de collectivités locales et/ou territoriales afin que le pouvoir local s'installe au plus près des populations et sous leur contrôle. C'est de la démocratie locale et du pouvoir local que peut naître le développement local et sans développement local, il ne peut y avoir de développement global.
GLF : La coopération décentralisée dont vous avez été l’un des principaux initiateurs, et pas seulement en Bretagne, peut-elle - quitte à être repensée ou renouvelée s’il le faut - jouer un rôle moteur dans le rapprochement entre les continents voisins que sont l’Europe et l’Afrique, par exemple à la manière de celui, décisif, joué par les jumelages franco-allemands d’après-guerre ? Votre expérience tant gouvernementale que sur le terrain, à Saint-Coulitz – où vous avez créé un Conseil des Sages, à l’africaine - que dans le développement de la Bretagne, pourrait-elle aider au développement de l’Afrique ?
KY : La coopération décentralisée est le vrai moyen de rapprocher les hommes et les peuples : elle les oblige à la rencontre, à apprendre à mieux se connaître, à partager symétriquement leurs savoirs et leurs savoir-faire. Donc elle favorise le rapprochement des continents et des hommes qui les habitent ; elle aide au dialogue des cultures et à l'amitié des peuples. C'est ainsi que je juge l'instauration de la paix entre la France et l'Allemagne, deux pays qui se sont battus dans des guerres meurtrières invraisemblables mais dont les jeunesses travaillent la main dans la main aujourd'hui. Bien sûr je compte sur ma longue expérience en Bretagne et en France pour aider mon continent de naissance à trouver enfin le chemin du bien-vivre-ensemble et du développement. Arrivé en France en septembre 1964 avec le baccalauréat obtenu à Lomé au mois de juin précédent, j'ai connu une Bretagne aussi peu développée et aussi pauvre que mon Togo natal de la même époque. J'ai vu se lever cette région, grâce à la volonté et au sens de l'organisation de quelques hommes et grâce au travail de tous, j'ai été témoin du décollage de la Bretagne. PME/PMI, artisans, agriculteurs, pêcheurs, coopératives, banques...etc. Ce n'est pas pour rien que la Bretagne est devenue aujourd'hui la première Région agricole d'Europe et en terme de développement et d'organisation, comparable aux plus grandes Régions d'Europe telles que la Bavière ou la Catalogne. J'ai la ferme conviction de pouvoir faire de même de mon pays et du continent africain, bien entendu en s'adaptant aux conditions locales. J'ai la conviction que cela est possible parce que le milieu culturel africain ressemble beaucoup au breton : ce n'est pas pour rien que mon initiative du Conseil des Sages à Saint Coulitz s'est rapidement répandue en Bretagne avant de conquérir la France.
GLF : Avez-vous toujours comme projet de vous présenter aux prochaines élections présidentielles au Togo ?
KY : Oui, j'ai bien l'intention de me présenter à cette élection-clé pour la démocratie et le développement pour le Togo. J'ai un projet de société pour mon pays natal : remplacer cette société de peur par une société de paix. Réconcilier les Togolais entre eux après 50 ans de crimes de sang, de crimes économiques, de crimes écologiques ; donner à manger à leur faim à tous les Togolais ; permettre l'accès de tous à la santé et à l'instruction ; donner du travail à la jeunesse togolaise aujourd'hui au chômage à plus de 50%, puisque le travail ne manque pas : tout est à faire ! Je sais que cela ne va pas être facile car le pouvoir est déjà en train de chercher les moyens de m'empêcher d'aller à cette compétition, comme il l'a fait en 2010. Mais aujourd'hui je connais mieux l'adversaire... J'ajoute juste que la politique coûte cher et que je compte sur tous les démocrates et tous les humanistes pour me donner « un coup de main »
Effectivement , en Afrique le travail ne manque pas , ce qui manque c'est l'argent pour payer les gens...
RépondreSupprimermeme l'argent ne manque au togo ou partout ailleurs en afrique il faut la volonté de ceux qui le dirige et je suis convaincu que si koffi est un jour au pouvoir il peut le faire vu son expérience depuis qui peut dire le contraire sauf ceux qui ne veux pas qu'il ce présente
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