vendredi 29 janvier 2016

FABRE : LA BOUCLE EST BOUCLÉE !



Un des candidats aux élections présidentielles togolaises d'avril 2015, M. Jean-Pierre Fabre nommé « ...chef de file de l'opposition parlementaire » par le gouvernement, se félicite de l’adoption du décret d’application sur le statut de l’opposition car il va désormais pouvoir jouir des prébendes attachées à son titre tant revendiqué : avantages matériels et financiers et autres privilèges, le tout financé par le contribuable togolais. Il ne semble pas être trop gêné de devoir satisfaire aux obligations imposées par son heureux adversaire, telles que la participation aux manifestations officielles ou encore l'obéissance aux injonctions du pouvoir concernant sa conduite... « un comportement de citoyen républicain !» Vaste programme !
En acceptant de se faire ainsi lier pieds et poings par le pouvoir, M. Fabre a donné la réponse à tous les Togolais et tous les étrangers à leur question : « ...pourquoi donc, l'ANC sachant que le scrutin du 25 avril 2015 est pipé d'avance et après avoir exigé quelques réformes préalables sans succès, a-t-il renié sa parole première pour y aller, malgré tout, légitimer le prince de Pya...? »
C'est donc logiquement que le chargé de la communication de l'ANC, M. Eric Dupuy, s’est félicité mardi 26 janvier de l’adoption de ce fameux décret pris par par le gouvernement.
Ainsi la boucle est bouclée et les Togolais qui ont enfin compris que le pouvoir comme l'opposition, ont décidé de leur tondre la laine sur le dos jusqu'à ce que mort s'en suive !
La morale de cette histoire : il n'y a que dans des « démocraties » bananières dont le Togo est l'exemple caricatural, qu'on peut assister à de tels jeux de rôle.
À l'extérieur et notamment en France, c'est une situation qui ne fait pas seulement sourire, c'est plutôt par de gros éclats de rire que la nouvelle est accueillie...
Pauvre Togo !


mardi 12 janvier 2016

AFRIQUE: CONFÉRENCE UTL QUIMPER

Mesdames, Messieurs je vous demande d’avoir une pensée solidaire pour les victimes des attentats de Paris le 13 novembre et aussi pour les milliers de morts africains tués par les djihadistes.
Avec ses 56 États, l’Afrique est aujourd’hui le continent dont tout le monde parle. Impressionnés par des croissances annoncées proches de 5% ces dernières années, les économistes proclament : « c’est le continent où il faut être, bientôt sa classe moyenne sera aussi nombreuse que celle de l’Europe de l’Ouest, les investisseurs s’y pressent et des entreprises performantes s’implantent ».
Pourtant au moment où je vous parle l’ampleur des problèmes et le ralentissement de la croissance obligent à se poser bien des questions. René Dumont écrivait en 1962 « L’Afrique est mal partie », est-elle aujourd’hui « bien partie » ? Certains chercheurs comme Sylvie Brunel en doutent.

  1. Le continent de tous les excès
Aux yeux des Européens, l’Afrique est encore actuellement le continent de tous les excès.

Excès de violence
Les excès de violence sont les plus évidents comme le prouve le dernier attentat au Mali. De la crise de la Côte d’Ivoire à la guerre civile en République centrafricaine, en passant par l’anarchie en Somalie ou en Libye, ou les combats fratricides au sud Soudan, les conflits ne manquent pas.
Encore plus inquiétants la progression du terrorisme jihadiste, principalement dans le Sahel, depuis le nord du Mali jusqu’au Nigéria, 10 pays sont touchés.
Les terroristes qui se réfèrent maintenant à Daesh s’appuient sur des conflits inter-ethniques, sur le mécontentement de populations laissées dans la misère par le pouvoir central, sur la faiblesse et la corruption des armées gouvernementales. Après avoir multiplié les prises d’otages d’occidentaux, les militants de l’AQMI et du MUJAO, alimentés en armes par le Qatar et l'Arabie Saoudite, ont attaqué le nord du Mali en profitant du nationalisme touareg dont le peuple a été artificiellement éparpillé entre cet État, l'Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Niger. L’islamisme combattant de Boko Haram s’étend maintenant, depuis le Nigéria, sur le nord du Cameroun, le sud du Tchad et du Niger et aussi en République centrafricaine avec le conflit déclenché par les islamistes de la Seleka dans un pays à 80% chrétien.
Excès du climat
Les gouvernements ont aussi leur part de responsabilité par l'absence d’une politique orientée vers la préservation des milieux naturels et une bonne gestion des ressources agricoles du reste en constante diminution. Ils sont incapables de comprendre pourquoi, d'une année sur l'autre, les pluies ne viennent plus en leur temps, pourquoi elles durent moins longtemps, et pourquoi la productivité des récoltes baisse, éloignant un peu plus l'objectif de l’autosuffisance alimentaire... La pauvreté, le nomadisme et l’espoir de profits rapides débouchent sur des mouvements de population de survie, à travers des frontières artificielles et poreuses.

Excès de la démographie
Le continent compte aujourd’hui plus de un milliard d’habitants, multipliant ainsi sa population par cinq depuis les années 50. Il devrait représenter en 2050, un quart de l’humanité.
La mortalité infantile demeure souvent plus de 10 fois supérieure à celle de la France (3,28 °/°° en France, 45,22°/°° au Togo).
Cependant la natalité est la plus forte du monde et 55 % des Africains ont moins de 15 ans. C’est un atout mais aussi une bombe à retardement. Cette démographie encore galopante, malgré une baisse balbutiante de la natalité dans plusieurs États, pose des problèmes énormes qui apparaissent à travers les enfants des rues, les enfants-soldats ou ces bandes de jeunes qui tuent à tort et à travers hier en République démocratique du Congo, au Rwanda et au Libéria, aujourd'hui en République Centrafricaine.
On assiste également à une urbanisation galopante anarchique et aujourd’hui les villes à la croissance spectaculaire rassemblent 45 % des Africains,

Excès d’émigration
Les excès de l’émigration sont aussi la conséquence de cette misère. Les fuites des éléments les plus dynamiques ont souvent pour cause la misère et l’espoir d’une vie meilleure mais elles s’expliquent aussi par l’autoritarisme et les répressions de pouvoirs dictatoriaux et paranoïaques, accapareurs des richesses du pays et incapables de gérer les problèmes de la coexistence de multiples ethnies et de minorités de toutes sortes qui n’ont pas accepté, tels quels, les États nés de la colonisation. Ceux-ci, nourris par les envois des expatriés à leurs familles, se révèlent incapables de proposer des solutions évitant les départs et facilitant les retours.

  1. Le Togo
Je voudrais si vous le permettez, prendre l’exemple du Togo qui est mon pays d’origine, comme exemple des problèmes rencontrés



Ancienne colonie
L’histoire togolaise est caractérisée par une forte et longue dictature et de multiples crises socio-politiques depuis le début du processus démocratique il y a vingt-cinq ans. Tout cela a généré de nombreux réfugiés politiques dans la région et hors d’Afrique : 2,750 millions de Togolais ont fui leur pays, dont un nombre important vit en France.
Le Togo souffre de plusieurs maux qui entravent gravement son développement. Les infrastructures laissées par le colonisateur sont mal entretenues (routes) ou purement et simplement abandonnées (chemins de fer)

La Suisse de l’Afrique
Le potentiel agricole (agriculture : 40% du PIB) est largement sous-exploité : seuls 25% des terres arables sont mises en valeur, entraînant des famines sporadiques tous les ans dans le pays.
De même que le secteur des phosphates, principale richesse du Togo dont la production a chuté à 1,5 Mt en 2009 (2,9 Mt en 1991), pâtit de la très mauvaise gestion et de l’absence de réforme.
L’activité portuaire (le port de Lomé, seul port naturel en eaux profondes de toute la cote du Golfe de Guinée), a bénéficié de la crise ivoirienne qui a bloqué le port d’Abidjan.
Les ressources minières sont importantes pour un si petit pays : or, diamant, attapulgites, marbre, pétrole, uranium, terres rares...etc.
Le secteur informel est très important et les chiffres officiels ne reflètent pas la réalité des échanges. On peut estimer en réalité que cette activité représente 15 points du PIB (300 M$). C'est dans ces conditions qu'on peut se désoler des incendies criminels des marchés de Kara et Lomé au début de janvier 2013 : 80% de l'activité informelle se passait dans ces marchés !

Les problèmes actuels : la dynastie Eyadema
Disposant d'une armée clanique pléthorique (environ 15 000 hommes), le régime togolais tient en respect tout un peuple : violence et impunité sont le mode de gouvernement.
Enfin, alors que la croissance est annoncée à 5%, l'extrême pauvreté s'accroît en passant de 28% à 30% entre 2011 et 2012 et l’accroissement démographique reste élevé (3%).

Les conséquences néfastes de cet ensemble de données sur les Togolais sont connues : en matière de santé, les équipements sont inopérants ; en matière d'éducation, alors que 50% des Togolais ont moins de 15 ans, l'analphabétisme est inquiétant (60% de la population) ; en matière sociale, 30% des jeunes Togolais sont au chômage et 100% des Togolais ne bénéficient d'aucune protection sociale.
Voilà ce qui explique mon engagement politique dans mon pays d'origine...

Mon projet politique
J'ai expliqué à mes compatriotes togolais les raisons et le contenu de mon engagement ; j'ai bâti avec un nombre important d'entre eux, un projet de société pour, mon pays afin de remplacer l'actuelle société d'injustice et de peur par une société juste et pacifique.
Ce projet tient en 6 défis à relever :
La réconciliation nationale
Le défi alimentaire
L’accès à la santé pour tous
L’accès à l’éducation pour tous
Le défi du plein emploi, notamment pour les plus jeunes
Le défi du bien-vivre-ensemble


  1. L'Afrique : atouts et problèmes

L’Afrique coffre-fort
Aux yeux des prédateurs, venus d’Europe autrefois, et, aujourd’hui, venus surtout d’Asie, l’Afrique est un coffre-fort de terres et de minerais où tout est bon à prendre. Certains n’hésitent pas non plus à en faire un dépotoir pour leurs déchets toxiques. D’autres pratiquent de la surpêche industrielle le long des côtes depuis le Sénégal jusqu'au Gabon, sans souci ni des pêcheurs locaux, ni des ressources.
Le continent africain est le continent potentiellement le plus riche, autant par sa géographie que par son sous-sol. Comme l’indique Eric Orsenna, dans un article du Monde du 12 et 13 janvier 2014 : «comme il en va des volcans, les pourtours sont souvent fertiles tandis que le cœur n’en finit pas d’exploser». Avec ses grands espaces vierges ou peu cultivés, ses climats chauds plus ou moins humides, l'Afrique sera demain la ferme du monde (à condition qu’elle sache préserver ses terres des appétits étrangers). Pour ce qui est de son sous-sol, d'aucuns n'ont pas hésité à le qualifier de « scandale géologique » L’Afrique possèderait 1/3 des réserves mondiales de minerais, dont 89 % du platine, 81% du chrome, 60% du cobalt et 80% du coltan (RDC) très utilisé dans les équipements électroniques.

Le mythe de la croissance africaine
En occident, on parle beaucoup de la croissance africaine pour finir par qualifier l'Afrique de « continent de l'avenir ».
L'Afrique subsaharienne s'impose comme une région de plus en plus attractive pour les investisseurs étrangers et un marché très prometteur, souligne une étude publiée le 23 janvier 2014 par la banque allemande Commerzbank. «Avec une croissance de l'économie réelle de 5% en 2013 et de 6% en 2014, la région se place au deuxième rang derrière l'Asie au classement des zones les plus dynamiques», précise l’étude.
La même étude indique que la crise financière internationale avait peu affecté l’Afrique subsaharienne jusqu’en 2015. «Nous estimons que la probabilité de survenue d'une catastrophe frappant les pays d'Afrique subsaharienne et affectant gravement leur développement économique est faible», affirment les auteurs de l'étude impressionnés par l’importance accordée par la Chine à ce continent. Le souci de l’empire du Milieu de sécuriser son approvisionnement en matières premières l’a, en effet, incitée à y réaliser de nouveaux investissements. Ces évolutions permettent désormais à l'Afrique subsaharienne de s'imposer comme «un marché très prometteur, avec de nombreuses localités attractives qui offrent des possibilités innombrables d'importations et d'exportations et attirent un nombre croissant d'investisseurs étrangers, améliorant ses chances à moyen terme », ajoute l’étude.
...Et pourtant, le ralentissement de la croissance est là !
Cependant, s’ajoutant à la faiblesse démocratique, aux actions destructrices des djihadistes et au manque d’infrastructures de l’Afrique subsaharienne, la chute des prix du pétrole et de nombreuses matières premières ont touché de plein fouet de nombreux Etats. S’y ajoute le ralentissement de la croissance chinoise se traduisant par une baisse de sa demande. En réalité, on est loin du compte et il reste encore beaucoup à faire. De plus derrière des taux de croissance longtemps très flatteurs, les inégalités demeurent dans la population. Ainsi un pays comme l’Angola, 90e pour le PIB par habitant, avec un taux de croissance supérieur à 3,5% par an, n’est que 162e pour « l’indice de développement humain » qui prend en compte, non seulement le PIB par habitant, mais aussi l’espérance de vie, le niveau de l’éducation, la sécurité collective et individuelle.
Plus globalement, malgré les 5 % supposés de croissance ininterrompue depuis 17 ans, jusqu’en 2015, le continent n’a connu aucune avancée réelle vers le développement : toujours des pandémies, des famines, du chômage, des coups d'État, des guerres et la fuite de la jeunesse. À quoi a servi une telle croissance et à qui a-t-elle réellement profité ? En tout état de cause, elle n'a pas été assez inclusive pour créer des emplois, ni pour attirer les financements qui prennent en compte la vraie demande sociale.
Quant à la solution chinoise disons-en deux mots : la conquête systématique et raisonnée de l’Afrique par la Chine illustre parfaitement ce que j'ai toujours dit concernant la faiblesse des États. Les Chinois choisissent les secteurs de l’énergie, des transports, des matières premières, de l’agriculture. Ils ont acheté ou loué des millions d’hectares de terres pour faire pousser des cultures alimentaires qu’ils rapatrient intégralement en Chine. Avec leur très cynique réalisme, ils traitent avec tous les gouvernants, vrais dictateurs, potentats honteux, vrais et faux démocrates...sinon, quel État souverain et démocratique accepterait-il une telle situation ?
Au total, je pense que pour satisfaire cette demande, pour une redistribution plus juste des richesses, pour empêcher l'enrichissement scandaleux de quelques-uns... au détriment du plus grand nombre, le seul système politique possible est la démocratie... À défaut les innombrables jeunes africains demanderont des comptes et cela ne pourra se faire que dans la violence des révolutions...

  1. Les tentatives de démocratie
Cette rapide description continentale ne doit pas nous faire perdre de vue que l'Afrique est multiple et donc en réalité, il nous faut parler « des Afriques ». L’utopie de Kwame Nkrumah dans les années 50, de créer les États-Unis d’Afrique, semble bien loin et l’Organisation de l’Union Africaine, d'abord, l'Union Africaine ensuite, a très souvent l’allure d’une coquille vide. Au moins 200 langues sont communément parlées, et même pour certains ethnologues, il y en aurait plutôt 2000 !
Les États arabes d’Afrique du Nord sont très différents de ceux de l’Afrique noire : par l'organisation du pouvoir, par la place de la religion (l'islam est religion d'État). Au sein même des États « noirs », les différences de régimes sont importantes, même si presque tous les Chefs d'État s’accrochent avec la même rapacité au pouvoir. Cependant, 12 États dont le Togo, ont carrément supprimé de leur Constitution la limitation du nombre de mandats présidentiels. Plusieurs autres présidents, à l’approche de leur départ programmé, comme Blaise Compaoré au Burkina-Faso qui a payé au prix fort sa tentative ou Denis Sassou Nguesso au Congo, qui lui, a réussi à changer sa Constitution dans un silence assourdissant de la France, cherchent à réformer leur Constitution pour ne pas devoir partir...

Les « démocraties »
Les démocraties en Afrique ne sont encore qu’une poignée, avec peut-être des insuffisances pour des Européens, cependant, malgré parfois des coups d’état militaires et des remises en cause inquiétantes, il me semble que seuls ces régimes peuvent assurer un développement au bénéfice de toute la population.
Dans les années qui ont suivi les indépendances des jeunes États africains, le plus souvent constructions artificielles nées des volontés et des rivalités des colonisateurs ne faisant aucun cas des différences ethniques, il y a eu des tentatives de démocraties, notamment au Sénégal et au Bénin. Cependant l’échec de gouvernements mal armés pour régler les problèmes et la montée de la corruption, ont provoqué souvent le mécontentement populaire et la renaissance des antagonismes ethniques sur lesquels se sont appuyés des militaires avides de pouvoir pour faire leur coup d’État. Ils ont rapidement confisqué l’État et ses ressources à leur profit. Nous sommes alors entrés dans de véritables dictatures appuyées par des partis uniques sources d’emplois et de prébendes. Les opposants sont marginalisés, persécutés, incarcérés et souvent assassinés ; les minorités sont exclues.



Conserver le pouvoir...à tous prix !
Il faudra attendre les années 90 et surtout le discours de la Baule de François Mitterrand pour passer progressivement au multipartisme. Se posera alors la question du comportement de ces oppositions qui, plutôt que de bâtir un projet démocratique alternatif, n’ont qu’une idée : prendre ou participer au pouvoir. Les partis se contentent d’apparaître au moment des élections auxquelles elles participent sans projet nouveau de société et même sans programme de gouvernement !
Quant aux dirigeants en place, ils n’ont qu’une idée : conserver le pouvoir, quoi qu'il en coûte au peuple. Au besoin, ils n’hésitent pas à soudoyer certains opposants par la flagornerie, l'argent public détourné ou la menace.
Quelques chefs ont bien tenté de se référer aux sociétés africaines anciennes pour justifier leur pouvoir : en effet, le chef traditionnel africain était un personnage sacré ; mais dans ces sociétés de délibération, le pouvoir était souvent partagé selon les domaines. Il faut donc affirmer que plutôt que de se couler dans le modèle individualiste prévalant en Europe, les pays d’Afrique, à travers leurs communautés villageoises, le sens de l’entraide, le respect des anciens et la volonté de s’instruire, possèdent des atouts dont pourraient s'inspirer les dirigeants.
Il est certain que le passage de l’ethnie à l’État moderne nécessite une évolution des comportements. La participation des représentants de tous les groupes dans les institutions, par exemple sous la forme d’une assemblée reflétant la composition de la population, est nécessaire. Je milite pour une « démocratie consensuelle », une alternative africaine du bien-vivre-ensemble.
Les indépendances avaient suscité dans les peuples beaucoup d’espoirs rapidement éteints. . Beaucoup se sont alors détournés de la politique pour se consacrer à l’économie ou tout simplement à se préserver de la misère.

Présidents accapareurs
Les présidents accapareurs se sont toujours appuyés sur leur ethnie d'origine en plaçant des membres aux postes-clés du régime, en partageant la manne enlevée au peuple et en attisant le rejet des autres ethnies. Aujourd’hui c'est paradoxalement les échecs des régimes dictatoriaux qui donnent une nouvelle chance au régime démocratique à l’africaine. J'ai bien l'intention de saisir cette chance. Appuyées sur la culture africaine mais intégrant les femmes et les jeunes, les démocraties à l'africaine ne pourront survivre au-delà des élections qu’en bâtissant un projet fédérateur de développement capable de mobiliser toutes les ethnies et autres minorités dans un combat commun. C'est dans cette optique que les entreprises étrangères souvent moteurs de l’enrichissement coûte-que-coûte, doivent comprendre que la stabilité dont elles ont besoin pour leurs activités n'est ni synonyme de dictature, ni contraire à la démocratie et à la liberté. Je suis conscient que la démocratie ne se fera pas sans le soutien des grandes puissances et d’organisations internationales telles l’O.N.U ou l’Union Européenne, mais elle doit rester l'initiative des peuples eux-mêmes.

Formes diverses des régimes
Ces régimes peuvent prendre des formes diverses. L’Union Sud-Africaine de Mandéla ou la Namibie ont posé les bases d'une « démocratie consensuelle » mais dans ces pays où l'ennemi commun était clairement identifié, le consensus face à l’apartheid était incontournable. Le Botswana, le Sénégal, le Ghana, le Bénin et la Côte-d’Ivoire dans des conditions particulières, ont choisi l’alternance. Ce qui n’empêche pas les-à-coups dans des États encore fragiles.
L’exemple de la Côte d’Ivoire est à ce point de vue éclairant. La lutte entre le Nord et le Sud puis la contestation du résultat des élections ainsi que la volonté du président Gbagbo de garder le pouvoir, ont débouché sur une anarchie dont le pays est à peine sorti. Certaines régions sont toujours aux mains de bandes armées faisant régner la terreur en toute impunité. Le dernier scrutin présidentiel d'octobre 2015 n'a rien réglé...
Pour l'Afrique, pour sa marche vers le développement et la démocratie politique, le projet est de mettre en lumière les forces nouvelles créatives que sont les associations, les fondations et aussi les entreprises continentales ayant le sens de la responsabilité sociale et sociétale. Ces structures continentales ont besoin, pour progresser, du soutien de leurs homologues extérieurs, notamment européens.

  1. La France : quelle attitude ?
Dans l’Afrique francophone, héritage de l’empire colonial, la position de la France, engagée militairement dans la lutte contre le mouvement islamiste, demeure essentielle.
Je n'attends pas l'ingérence de la France et je ne suis pas le candidat de la France. J'attends simplement que soit respecté l'engagement, auquel j'ai largement participé, que le candidat Hollande a clairement pris lors de la campagne de 2012 :
« Partout, la conduite de la France sera basée sur le respect et la non-ingérence. La France encouragera le dialogue qui sera préféré à la confrontation violente; elle soutiendra la démocratie là où elle existe et aidera les peuples qui le lui demanderont, à la conquérir pacifiquement. Les pays africains doivent aller vers la démocratie : respect des droits de l'homme, pluralisme, élections libres et transparentes, alternance politique...»
Je dois constater aujourd'hui que nous ne sommes pas engagés sur cette voie de la sagesse et du respect réciproque souhaité.
L’intervention militaire française dans le massif des Iffogas, avec l’appui de forces africaines, principalement tchadiennes, a été un succès à confirmer. Le rétablissement de la paix en République centrafricaine s’avère beaucoup plus complexe par l’implication de la population civile.
Mais actuellement se met en place une multiplication de bases militaires françaises dans le Sahel, d’Atar en Mauritanie à Faya Largeau et Zouar au Tchad, en passant par Tessalit et Gao, au Mali. Et il n'est pas exclu que plusieurs autres postes soient créés plus au nord, en bordure des frontières libyennes. « Il faut des capacités à faire bouger rapidement nos pions » a déclaré un diplomate.
Les contingents français seront intégrés dans des unités nationales et appuyés par les bases existantes dans les capitales et grandes villes dans les anciennes AOF et AEF, de Dakar à Libreville, en passant par Abidjan, Ouagadougou, Niamey, N’Djamena et Yaoundé.
Cette présence française renforcée, diamétralement opposée à ce que nous avions dit pendant la campagne de 2012, fait peser sur les pouvoirs africains une pression diplomatique et militaire déterminante. Mais dans quelle intention et pour quel objectif ?
La France veut-t-elle, à la suite du discours de La Baule de François Mitterrand, en 1990, pousser à la démocratisation de ces régimes ou bien veut-t-elle, pour protéger ses intérêts, se contenter d’une recherche de la stabilité et du calme( combien précaires !) que seuls les pouvoirs autocratiques sont censés pouvoir assurer ?

Conclusion : démocratie introuvable ?

Je pense que pour satisfaire les espérances de nombreux Africains, pour une redistribution plus juste des richesses, pour empêcher l'enrichissement scandaleux de quelques-uns... au détriment du plus grand nombre, le seul système politique possible est la démocratie. Elle seule me paraît apte à favoriser le développement. À défaut, les innombrables jeunes africains qui, pour l'instant se contentent de fuir par l'émigration, les prises d'otages, le djihad, les barrages de routes ... demanderont des comptes et cela ne pourra se faire que dans la violence des révolutions.