13
novembre 2013
Kofi
Yamgnane possède trois cartons pleins d'insultes racistes datant de
l'époque où il était secrétaire d'Etat de François Mitterrand
(1991-93). Aujourd'hui âgé de 68 ans, l'ancien maire
franco-togolais de Saint-Coulitz (Finistère) "réfléchit",
à contrecoeur, à prendre la tête d'une croisade contre le racisme.
QUESTION:
Avez-vous été confronté au racisme quand vous étiez ministre de
l'Intégration?
REPONSE:
"Quand j'étais aux affaires politiques, j'ai eu bien sûr des
lettres d'injures, des menaces de mort. J'en ai trois cartons pleins
à la maison. Du genre « vous ne croyez pas que vous allez
commander? Les singes n'ont jamais commandé ici ». Mais
c'était anonyme. La différence d'avec aujourd'hui, c'est que la
parole raciste ne se cache plus.
En
1991, j'étais au gouvernement, je me suis rendu dans ma
circonscription dans une usine de la Société nationale des poudres
et explosifs (pour présenter un plan de reconversion afin de
fabriquer des airbags). J'ai été accueilli par les syndicats, par
la CFDT, aux cris de « espèce de singe »..., « retourne
dans ton arbre ». Aujourd'hui, il reste 60 ouvriers qui
fabriquent de la poudre, mais ils sont 1.400 à produire des airbags.
« Moi, je suis resté avec cette blessure profonde, causée par
des syndicalistes qui m'ont craché à la figure."
Q:
Mercredi sur France info, vous avez déclaré que la France n'était
pas devenue raciste, qu'elle l'avait toujours été.
R:
"Je n'aurais pas dû le dire comme ça. Le peuple français
n'est pas raciste. La France, dans ses institutions républicaines,
n'est pas raciste car elle considère que le racisme n'est pas une
opinion comme une autre: c'est un délit puni par la loi. Il
n'empêche que dans le peuple français comme dans tous les peuples,
il y a une lie humaine qui pense qu'il y a des hommes qui sont
inférieurs à d'autres, qui considère les Noirs comme inférieurs.
C'est ancré dans la mentalité française, sauf chez les gens
suffisamment instruits. Pour les autres, nous sommes des sous-hommes.
Alors,
quand quelqu'un qui a du mal à joindre les deux bouts entend un
homme politique dire que le Noir n'est pas entré dans l'Histoire, il
pense: « ce sont des singes, ils ne sont pas entrés dans
l'histoire des Hommes ». Des paroles comme ça sont
responsables de la désinhibition du racisme. Elles doivent être
punies, même si elles viennent d'un président de la République.
Quand on voit des parents, des incultes, des ignares, qui laissent
leur enfant de 10 ans dire « une banane pour la guenon »,
c'est invraisemblable. Cette gamine va devoir vivre avec ça le reste
de sa vie."
Q:
Que pensez-vous des insultes racistes à l'encontre de la ministre de
la Justice Christiane Taubira et de la Une de l'hebdomadaire Minute?
R:
"Le président de la République est le garant de l'unité du
peuple de France. Il aurait dû réagir tout de suite en disant
+stop, là il y a une ligne qu'on ne franchit pas+. Il faut fermer
Minute qui n'est pas un journal républicain. La loi le permet, il
faut appliquer la loi. Ce qui se passe est très très grave. A
quand les ratonnades ? Depuis que je suis passé sur France info,
j'ai reçu 221 messages d'Africains, d'Arabes, de Chinois qui me
disent: +il faut que tu prennes la tête d'une organisation. Il faut
qu'on se batte+. Je suis en train d'y réfléchir. Ce serait à
contrecoeur. J'ai toujours refusé ce genre de choses car je suis un
républicain. Je crois en l'idée de Nation. Le peuple français
n'est pas une ethnie, c'est une superposition de peuples. Mais je
sens bien que je n'aurai plus le choix, je sens bien qu'il faut dire
« stop ». Ce qu'il faut c'est trouver comment améliorer
le vivre ensemble."
Propos
recueillis par Patrick BAERT.
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