C’était
il y a moins d’un an, on dirait que cela fait un siècle : le
candidat président Nicolas Sarkozy tenait son dernier meeting géant
et tricolore à Toulouse, relayé en direct dans six grandes villes
de France. Jamais les drapeaux bleu blanc rouge n’avaient autant
claqué et la claque ne s’était montré si enthousiaste lorsqu’il
glorifiait les frontières, la Nation : «
je n’accepterai pas qu’il n’y ait aucune différence entre être
français et ne pas l’être ».
Et c’est cette même droite des oriflammes et de la flamme
nationaliste qui bouffe son passeport, son étendard et la feuille de
match d’hier ! Pourtant «
sans frontière, il n’y a pas de Nation, pas d’Etat, pas de
République, pas de respect de la loi, pas de Travail, pas de
protection sociale ».
Ils applaudissaient à tout rompre et aujourd’hui ils défendent
les sans frontières !
Aujourd’hui
la droite justifie et soutient tous ceux qui ne révèrent qu’une
patrie, l’argent et qui jouent à saute frontière sous prétexte
que la gauche voudrait les tondre comme des moutons. Après avoir
brandi son passeport français comme le bien le plus précieux qui se
mérite et se défend avec ardeur, elle le brade. Avec une bonne
conscience arrogante et sans éthique dont le Figaro se fait l’avocat
cynique en multipliant les éditoriaux tartuffes justifiant les
déserteurs qui en période de crise privilégient leurs intérêts
individuels plutôt que le destin collectif. Tout est de la faute «
du matraquage fiscal ». Comme s’ils n’avaient pas d’ailleurs
eux-mêmes matraqué. Mais en période de mobilisation générale
pour sortir le pays de la crise, quelle entourloupe morale que
d’excuser ainsi la désertion en plein combat ! Quelle pitié que
cet abaissement de l’âme de la France auquel consentent tous ceux
qui n’ont cessé et ne cessent encore de donner des leçons
d’identité française. Quand les fuyards montrent leurs fesses
sales, les moralistes les maquillent en faces de vertus !
Ah
comme ces beaux messieurs, à commencer par Jean-François Copé,
sont éloquents pour défendre les si faibles riches, victimes de «
l’assommoir fiscal de la gauche », qu’ils justifient, alors
qu’ils émigrent au mépris de toute morale civique. Et à
l’inverse, comme ils sont impitoyables pour « les assistés, les
fraudeurs et chômeurs de tous poils, les profiteurs du système »
qu’il faut contrôler, traquer, pourchasser sans faiblesse. Ils
sont inexcusables ! Salauds de pauvres ! Sans parler des étrangers
qui viennent manger notre pain au chocolat et à qui la droite au
pouvoir a voulu toujours plus d’obligations pour devenir citoyen
français.
Avec
cette exigence rappelée dans la charte des droits et devoirs : «
tout citoyen concourt à la défense et à la cohésion de la Nation
».
Gérard Depardieu et tous les puissants seraient donc dispensés de
respecter des grands principes qu’on exige de ceux qui ont souvent
bravé la mort et souffert mille maux pour obtenir un passeport que
ceux-là nous renvoient à la figure comme on vous crache dessus !
Quand on songe que les principaux dirigeants de l’UMP sont tombés
à bras et communiqués raccourcis sur Manuel Valls qui voulait
assouplir les conditions d’attribution de la nationalité
française… Ils l’accusaient de « brader la citoyenneté ».
Mais la grande braderie des valeurs nationales républicaines c’est
la droite qui s’y abandonne en soutenant les Sans Patrie Fixe,
sinon celle du profit…
Il
fut un temps pourtant où, avec Philippe Séguin, avec Charles Pasqua
notamment, mais aussi avec Jacques Chirac par épisodes, le camp
conservateur avait su se montrer plus patriote. Ces gaullistes ou
post gaullistes n’aimaient guère les réfugiés de Coblence, de
Bruxelles ou de Moscou, qui rappelaient trop ces grands patrons à
qui Charles de Gaulle avait jeté, lorsqu’ils étaient venus à lui
après la Libération : «
Messieurs je n’en ai pas vu beaucoup d’entre vous à Londres ».
À
l’époque, il est vrai, on ne s’y risquait pas pour y faire de
l’argent. Mais foin d’évocations historiques qui pourraient
paraître abusives, et constatons simplement que voilà la droite
ramenée en arrière puisqu’elle se montre de nouveau libérale et
apatride comme elle l’était, et d’abord Nicolas Sarkozy, avant
de virer nationaliste, campagne hyper droitière oblige.
Il
est vrai que la gauche elle aussi s’est assise sur son passeport
national au nom d’une Europe du laisser faire laisser passer dont
elle se méfie davantage aujourd’hui. La crise et les ravages du
mondialisme lui font partiellement redécouvrir un patriotisme, au
moins fiscal, dont les belles personnes de la rive gauche se
gaussaient quand Jean-Pierre Chevènement s’en faisait le héraut.
Aujourd’hui on commence même d’écrire des discours à la
trompette de Déroulède et la droite se fait piquer le drapeau. Il
est vrai qu’elle l’a laissé tomber par terre…
NICOLAS
DOMENACH – MARIANNE
Dimanche
6 Janvier 2013
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