Voici
une réponse d'un journal du continent...
Liberté(Quotidien
togolais)
N°2309 du Lundi 31
Octobre 2016
Visite
(de travail) du PM français au Togo
Éditorial
Au-delà
des arguments officiels avancés, des suspicions légitimes
Le
Premier ministre(PM)français était à Lomé en fin de semaine
passée. Manuel Valls était officiellement en visite de travail, et
bien d’activités ont meublé son séjour.
Cette
venue au Togo est placée dans le cadre d’une mini-tournée dans la
sous région devant le conduire à Accra au Ghana et à Abidjan en
Cote d’Ivoire. Mais appréhendée à l’aune du contexte politique
en France, notamment celui de l’élection présidentielle, la
visite au Togo du chef du gouvernement français soulève bien de
suspicions légitimes.
Coopération
bilatérale, inaugurations tous azimuts...
Comme
annoncé depuis des jours, Manuel Valls est arrivé vendredi passé
dans l’après-midi à Lomé. Accueilli par son homologue togolais
Komi Sélom Klassou, il a mis le cap tout de suite sur le Palais de
la Présidence où il a eu un entretien avec Faure Gnassingbé.
Coopération bilatérale, situation dans la région ouest
africaine...telles sont les questions qui auraient été au menu des
entretiens entre le Premier ministre français et les autorités
togolaises. Il aurait été aussi question de contrats, et Manuel
Valls était accompagné d’une délégation composée de ministres,
de parlementaires et d’opérateurs économiques français.
Le
séjour du chef du gouvernement français n’était pas constitué
que d’entretiens et ne s’est pas déroulé que dans les bureaux
de la Présidence ou de la Primature. Manuel Valls est sorti sur le
terrain, et a procédé à l’inauguration de nouveaux bâtiments à
l’Institut français et au Lycée français de Lomé; il a visité
le centre d’aide sociale Saint-André à Adéticopé, le port de
Lomé et posé la première pierre du Centre d’enfouissement
technique de déchets solides de la capitale à Aképé, un projet
conjointement financé par la Banque ouest africaine de développement
(BOAD), l’Union européenne (UE), l’Agence française de
développement (AFD) et la Délégation spéciale de la ville de
Lomé. Officiellement, ce sont les activités qui ont meublé le
séjour au Togo de Manuel Valls.
On
ignore la portée que Faure Gnassingbé a voulu donner à cette
visite, mais on note que même Emmanuel Shéyi Adebayor(footballeur
internationalement connu!) était embarqué dans la sortie du PM
français sur le terrain.
Des
clins d’œil au pouvoir de Lomé
«Nouvelle
ère?», c’est en tous cas sous ce prisme que le Premier ministre
français conçoit la coopération entre son pays et le Togo.
À
l’entendre, la France veut renforcer ses liens traditionnels avec
notre pays.
«
Je dirais plutôt que c’est un retour à la normale! Et une
volonté: la France veut donner une nouvelle dimension à sa relation
avec le Togo», a-t-il déclaré quelque temps avant son arrivée
dans nos murs.
Des
mots qui font chaud au cœur des gouvernants en place? Il en a eu! Et
beaucoup! C’est un Premier ministre plutôt admiratif du régime de
Lomé que l’on a entendu dans ses interventions.
«
Votre pays change, il avance, il progresse. Nous voulons
l’accompagner. Il faut plus de présence française, plus
d’échanges, plus de coopération. La France et le Togo doivent
réfléchir ensemble, très concrètement, domaine par domaine. C’est
la raison de ma venue à Lomé », « Le Togo change, il change dans
le bon sens. La France croit au Togo et la France veut une relation
plus forte avec le Togo», a-t-il déclaré, rendant hommage au
pouvoir en place pour, à ses yeux, les progrès accomplis par le
Togo en matière de démocratie et de bonne gouvernance, son action
diplomatique et sa détermination à lutter contre le terrorisme,
entre autres propos laudatifs à l’endroit de son hôte. Faure
Gnassingbé n’en demandait pas tant!... et il le lui a bien rendu,
avec tout le folklore qui a entouré le séjour de son hôte, un
(simple) Premier ministre reçu comme « Un Prince à New York »...
il
ne manquait que l’animation politique formelle pour que l’ambiance
soit complète...
Au-delà
du pouvoir en place, c’est à tout le continent que le Premier
ministre français a fait un clin d’œil. « (...) L’Afrique est
le continent de l’avenir – c’est ma conviction profonde, et
c’est d’ailleurs mon quatrième déplacement sur ce continent en
tant que Premier ministre. La croissance de demain se joue en
Afrique de l’Ouest. Et l’économie togolaise est pleine
d’opportunités ! La France croit dans le Togo. C’est ce message
que je veux porter auprès notamment des entreprises françaises »,
a-t-il dardé.
Une
présence entourée de suspicions
Les
relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique sont
devenues plus secrètes, sournoises et maffieuses après les
indépendances ; ce qu’on désigne par le vocable Françafrique. Et
la visite d’un dirigeant français de haut niveau dans une de ses
anciennes colonies est toujours entourée de suspicions plus ou moins
légitimes, les populations y voyant des raisons cachées au-delà
des officielles souvent avancées. Certains la comparent à une
visite ou à un coup de fil d’une ancienne copine de jeunesse à
son ex-ami et qui se conçoit comme une requête indirecte adressée
à ce dernier...Faut-il le rappeler, la visite d’un Premier
ministre au Togo remonte à des décennies, avec Michel Rocard qui
était dans nos murs, et cette présence de Manuels Valls n’échappe
pas à des interrogations.
Pour
un dirigeant français qui, en janvier seulement, abordait la
question de l’élection d’Ali Bongo à la présidence du Gabon et
le disait pas élu « comme on l’entendait », c’est-à-dire pas
démocratiquement, se fondre en éloges à l’endroit de Faure
Gnassingbé parvenu au pouvoir dans les mêmes conditions ou même
plus
pour fermer les yeux sur les élections locales et les réformes
constitutionnelles
et institutionnelles de l’Accord politique global (APG) et même
préparer son 4e, puis son 5e , puis...nième mandat au pouvoir.
Les observateurs
avisés des « coups de main» de certains régimes africains aux
présidents français pour leur réélection, et notamment des
transferts de fonds, loin des yeux et des regards indiscrets, parfois
dans des mallettes et/ou djembés bourré(e)s de fric comme
contribution à l’effort de guerre (sic), font vite le lien avec le
contexte politique en France marqué par les grandes manœuvres pour
l’élection présidentielle de 2017 en France pour laquelle le
président actuel François Hollande et le parti au pouvoir sont dans
de beaux draps.
Pour
nombre d’entre eux, la tournée ouest-africaine de Manuel Valls a
des senteurs d’une « campagne de collecte de fonds ».
À
certains qui pensent qu’il était là juste en émissaire pour
apporter le butin (sic) à qui de droit –suivez les regards-,
s’adjoignent d’autres qui glosent déjà : « Valls fait des
pieds et des mains pour démontrer que Hollande est hors jeu pour les
élections et il œuvre pour que les éventuels candidats de Gauche
se rangent derrière lui ».
En
tout cas, cet intérêt du Premier ministre français au Togo ne
devrait qu’arranger Faure Gnassingbé.
Comme
s’il pressentait une suspicion de sa visite, Manuel Valls a déjà
anticipé et balayé d’un revers de la main les critiques de
relations françafricaines :
«
Il n’y a entre la France et l’Afrique francophone aucun « pré
carré », mais des liens privilégiés – c’est une histoire, une
langue que nous avons en partage. Ces liens sont une chance, et nous
voulons les entretenir, même s’ils ne sont bien sûr pas
exclusifs. Nous développons donc nos contacts avec tous les pays
d’Afrique ; et je me rendrai, après Lomé, à Accra. Notre
relation avec l’Afrique, c’est cet héritage ... »
.
Au
demeurant, c’est bien curieux que le Premier ministre français se
donne la peine de faire le déplacement de Lomé pour des
inaugurations d’infrastructures socio-éducatives n’ayant rien de
stratégique et que l’ambassadeur de la France au Togo aurait pu
gérer.
Autre
curiosité assez parlante, pour une visite dite de travail, le
Premier ministre français s’est gardé de toute déclaration au
sortir de son audience avec Faure Gnassingbé...
Signé:
Tino Kossi
Article
en page intérieure
M.Valls,
voici les changements...
dont rêvent
les Togolais!
«Il
ne peut y avoir de développement sans démocratie» (François
Hollande)
Lors
de son déplacement au Cameroun en juillet 2015, François Hollande
laissait entendre qu’«il ne peut y avoir de développement sans
démocratie». La démocratie est un facteur qui est déterminant
pour le développement des jeunes nations d’Afrique. Le président
français rejoint ainsi les grands défenseurs de l’idéal
démocratique pour qui il ne peut pas y avoir de développement sans
démocratie préalable.
Pour
nous autres Togolais qui n’avons connu qu’une seule famille, les
Gnassingbé, pour nous qui vivons depuis un demi-siècle dans la
dictature du père puis du fils, quand nous entendons parler de la
France, les valeurs qui reviennent c’est la démocratie, la bonne
gouvernance, la justice, l’État de droit, les libertés...etc. Ces
valeurs qui nous font tant rêver ne sont qu’un leurre au Togo des
Gnassingbé.
Manifestement,
pour la première et probablement dernière visite de Manuel Valls au
Togo, les intérêts économiques ont pris le pas sur la démocratie.
Les questions des réformes constitutionnelles, institutionnelles et
électorales et de la décentralisation qui préoccupent les Togolais
depuis plusieurs mois, ont été peu, et même pas du tout en public,
évoquées par le Premier ministre français.
Pour
Manuel Valls qui tançait, il y a quelques mois, le président
gabonais Ali Bongo d’être mal élu, c’est assez étonnant qu’il
se plaise à s’afficher aussi fièrement aux côtés de Faure
Gnassingbé et à se laisser même aller à quelques envolées à
l’endroit de son hôte.
«
Le Togo change dans le bons sens (...) Comment ne pas déjà
ressentir les vibrations et les transformations ? Comment ne pas voir
qu’une Afrique nouvelle se dessine et se prépare ici ? Monsieur le
Président, vous faites avancer ce pays avec patience, avec
détermination pour qu’il rattrape le temps perdu lors des années
difficiles. Et vous avez eu à cœur, et c’est comme ça que l’on
reconnaît les grands dirigeants, de favoriser la réconciliation des
Togolais entre eux et avec leur peuple», a-t-il déclaré.
Peut-être
que l’ancien maire d’Évry fait-il allusion au fait que certaines
artères de Lomé sont réhabilitées ou construites ? Comme le dit
si bien Laurent Duarte, coordinateur de la campagne «Tournons la
page», «100 kilomètres de routes goudronnées ne feront jamais un
bilan politique ».
En
tout cas, il n’y a aucun mérite après 50 ans de règne sans
partage, à construire des « ruellettes » qui ne sont pas dignes de
Lomé la capitale, mais plutôt de petites villes de l’intérieur.
Le
changement dont rêve l’écrasante majorité des Togolais est de
pouvoir manger à leur faim, de pouvoir s’éduquer, se soigner, se
loger, se vêtir, de pouvoir bénéficier d’une juste et équitable
répartition des ressources et richesses du pays, de pouvoir choisir
librement leurs dirigeants au cours d'élections démocratiques,
libres et équitables. Les gouvernants étant au service du peuple,
il est légitime de les remplacer quand le peuple estime qu’ils ne
remplissent plus leur mission. Mais cette possibilité n’existe pas
au Togo. Et dans un pays où l’espérance moyenne de vie est de 56
ans (données de 2012), il est donc possible de naître et de mourir
en n’ayant connu qu’un seul président, Gnassingbé.
Manuel
Valls sait-il que dans la Communauté de l’UEMOA qui rassemble huit
(8) pays francophones de la sous-région, le seul à ne pas connaitre
l’alternance politique depuis 50 ans est le Togo ? Sait-il que le
Togo est le seul pays à ne pas avoir une limitation du mandat
présidentiel? Sait-il que le Togo demeure le seul pays dans la
sous-région à ne pas avoir une élection présidentielle à deux
tours ? Sait-il que le Togo est le seul dans la sous-région à ne
pas réaliser la décentralisation de ses institutions locales ?
Voilà
les changements que nous voulons. Pour ce qui est des routes, elles
viendront d’elles-mêmes...
Signé:
Médard AMÉTÉPÉ
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