dimanche 13 août 2017

LES EFFETS COMBINES DE TROIS GOULOTS D'ETRANGLEMENT DU TOGO!




Le pays est en ruines, plusieurs signes en disent long sur cette lente agonie. Plusieurs leaders d'opinion tirent invariablement la sonnette d'alarme dans ce Togo où s'étale sur la place publique la misère des gens de toutes origines, de toutes générations de toutes confessions y compris chez les "indéfectibles du général". Un premier ministre, qui fut du sérail et y retourne le temps d’arrangements de circonstances, a fini par lâcher que la misère de toutes couches de Togolais s’étale sur la place publique au même instant où un de ses successeurs claironne à New York devant ses pairs que la « faim zéro » règne en terre togolaise comme si opacité financière, mal-gouvernance et flux financiers illicites n’avaient pas fini d’épuiser le Togo et les Togolais ! 
Quel est l’objet de cette prise de parole ? Dénoncer en prolongeant les propos des économistes togolais qui en savent et en disent beaucoup, des dérives des gangsters au pouvoir au Togo pour qui, gouverner avec les oripeaux du pouvoir, en s’attirant à eux seuls, étant la minorité profiteuse, les grasses ressources du domaine public. Accéder au pouvoir et l’exercer le plus longtemps possible est devenu l’outil particulier d’une chrématistique de biens publics privatisés…pour d’énormes richesses accumulées et externalisées, au besoin sous la forme identifiable, localisable, mesurable et analysable de flux financiers illicites. La pauvreté des Togolais ne vient pas de nulle part comme l'effet d'une génération spontanée mais de pratiques surannées, peu honorables. Nous devons en parler !!!! 
Moi qui ai le vertige facile, j’ajoute à la masse des flux financiers illicites, d’autres occurrences de vertige : « 108 milliards 870 millions investis pour la sécurité de Faure Gnassingbé, montants confirmés par Rfi.. [pour] cette sécurisation d'un pouvoir qu'on cherche par tous les moyens à conserver ad vitam aeternam……Il s'agit principalement des dépenses opérées pour l'armée, les services de renseignement en l'occurrence l'ANR (Agence nationale pour le renseignement, de triste renommée), la police et la gendarmerie. Les grosses factures payées par l'Etat togolais à Israël sont pour le renseignement, notamment la fourniture des matériels d'écoute, la planque des agents secrets et la formation. Contenu également dans ces dépenses, le matériel sophistiqué pour la sécurisation de la présidence et des résidences de Faure Gnassingbé disséminées à travers le pays sans oublier les agents israéliens qui sont présents à Lomé 2 et forment leurs homologues togolais. ….Pour ce qui est de l'armée, les achats se structurent autour des blindés légers et de l'habillement…..Enfin la police et la gendarmerie complètent ce dispositif d'achats non prioritaires par du matériel devant servir dans la contenance de manifestation, autrement dit les "gadgets" de répression que les Togolais connaissent bien…. » (cf Anani Sossou in icilome.com du 23 juillet 2017) 
La fuite effrénée de capitaux accompagne la mondialisation dans un pays qui a décrété un code d’investissement ultralibéral et ce depuis 1967. Elle n'est rien d'autre que l’opacité financière ajoutée à la massivité des flux financiers illicites. Une autre orthodoxie voudrait que la dette publique, la fuite des capitaux, les souffrances de l’esclavage monétaire volontaire du CFA et les détournements du bien public changent la donne : l’évaluation des richesses produites au Togo ? Et si les gouvernants acceptaient cet autre volet de la bonne gouvernance à 3 piliers : 
-  la démocratisation du débat public sur la gestion des biens publics, 
-  l’obligation faite aux gouvernants et aux élus de déclarer leur patrimoine en début et en fin de charge 
-  la création de la Cour des Comptes ayant prérogative judiciaire de contrôle. 
Nous aurions alors changé d’échelle pour plus de visibilité! 

Thomas Koumou qui signe plusieurs textes au nom de l'association Veille économique que je salue ici, analyse et fixe le cap en précisant que "....selon le document du Fonds Monétaire International (FMI), intitulé, les Perspectives économiques régionales - Afrique subsaharienne - , un changement de cap s’impose, les moyennes des taux de croissance économique (2015-2017) seraient respectivement pour la zone UEMOA, le Ghana et le Nigéria, de 6,5%, 5,3% et 2,83%. Nous estimons que ces taux de croissance sont faibles non seulement parce que nos États ont des niveaux de PIB relativement faible, mais aussi des paramètres tels que le taux de croissance démographique et le taux d’inflation... annihilent l’effet de la croissance. 
En termes de variabilité, on note que sur 14 ans (2004-2017), l’UEMOA, le Ghana et le Nigeria enregistrent respectivement 1,91%, 3,13% et 2,71%. Ceci montre clairement l’inconstance de la performance de nos économies entraînant de fait un niveau de risque élevé de ces dernières. Lorsqu’on se trouve à ce niveau de taux de croissance économique et que l’on considère les paramètres tels que la croissance démographique, le taux d’inflation et le détournement massif des deniers publics (corruption), il devient évident qu’il n’y aucune chance pour que les populations puissent ressentir les fruits de cette croissance. 
Les investigations de Global Financial Integrity (GFI) sur les sorties des flux illicites des pays en développement, illustrent parfaitement l’impact négatif de la corruption sur nos économies. Selon GFI, sur 10 ans (2004-2013), les sorties de flux illicites de certains pays se présentent comme suit : 
-  le Nigéria (10ème rang mondial, 178 040 millions de $ US soit 26,37% de toute l’Afrique subsaharienne), 
-  la Cote d’Ivoire (48ème mondial, 23 344 millions de $ US, soit 12 255 milliards de FCFA), 
-   le Togo (49ème mondial, 22 293 millions de $ US, soit 11 704 milliards de FCFA). 
Avant le constat de T. Koumou, la photographie de cette situation dramatique établit que «…le Nigeria avec 217 738 milliards de $US, l’Egypte avec 105 173 milliards de $US, l’Afrique du sud avec 81 840 milliards de $US, le Maroc avec 33 853, l’Angola avec 29 500 milliards de $US... ne doivent pas se comparer au Togo avec 2 215,6 milliards de $US. Il y a donc eu au Togo des sorties illicites d’argent annuellement et en moyenne entre 1970 et 2008 de 56,81 milliards de $US. En référence, le montant annuel et moyen de sorties illicites d’argent est de 825,54 milliards de $US pour le Nigeria…. En effet, dès cette année 2005, la progression des fonds illicites sortis est passée de 10,08% (2002-2004) à 1860% (2005-2008) et les flux sortis sont passés de 251 millions de dollars US soit 125, 5 milliards de FCFA à 952 millions de dollars US soit 476 milliards de FCFA, c’est-à-dire une augmentation de 279% en une année. La variabilité moyenne annuelle de la sortie des flux illicites est de 1,4 milliard de dollars US soit 707 milliards de FCFA. Ce qui représente une progression annuelle de 77% sur la période. En 2008, la sortie des fonds illicites prend une autre ampleur avec un montant faramineux de 4,5 milliards de dollars US soit 2 235,5 milliards de FCFA. Ce rythme s’est confirmé en 2009 avec un montant de 4,3 milliards de dollars US soit 2 125 milliards de FCFA, sorti du pays. Le rythme a baissé de moitié en 2010 et la sortie en 2011 est de 1,14 milliard de dollars US soit 570 milliards de FCFA, nettement supérieur au budget de l’État en 2011.» (cf les études et agrégats de Global Financial Integrity (GFI), Dev Kar and Brian Le Blanc et Yves Amaïzo in http://news.icilome.com/?idnews=834195&f=). 
Une étude suisse qui fait autorité en la matière complète et précise les précédentes : Flux financiers déloyaux et illicites en provenance des pays en développement Rapport du Conseil fédéral en réponse aux postulats 13.3848 (Ingold) du 26 septembre 2013 et 15.3920 (Maury Pasquier) du 23 septembre 2015. 
En dehors du Sénégal et du Libéria, les autres pays de la CEDEAO peuvent être considérés comme de bons élèves. Les ressources illicites qui sont sorties des pays de l’Afrique subsaharienne entre 2004 et 2013 représentent 674 977 millions de $ US soit 354 362 925 000 000 FCFA. Pour ce qui concerne la CEDEAO, ce montant représente 267 287 millions de $ US soit environ 140 325 675 000 000 de FCFA. Le Nigéria, la Cote d’ivoire et le Togo qui représentent les trois meilleurs de la CEDEAO, totalisent 83,68% de ce montant......" (cf Thomas Koumou auteur de "...Sur les flux financiers illicites qui minent l'économie..... in http://news.icilome.com/?idnews=837297&t=thomas-koumou-rebondit-sur-les-flux-financiers-illicites-qui-minent-l-economie. 

Il est alors temps d'approfondir le regard sur l'essentiel. Si le taux de croissance en apparence honorable est grugé par l'investissement fantaisiste et non rentable constitue une fausse orientation, que la dette est lourde à porter et que les flux financiers illicites dépassent l'inimaginable, il conviendra de constater que ces facteurs ne jouent pas isolément et que nul n'en contrôle l'agenda et que la convergence des trois goulots d'étranglement du système ne souffrirait plus longtemps la fuite de l'argent togolais produit pas des Togolais et qui doit revenir aux Togolais! 
L’origine de ces flux financiers que je considère comme le problème au coeur de la mal-gouvernance a plusieurs origines : 
 la surfacturation ou la sous-facturation des exportations, des importations, ou encore des contrats, des transferts à l’étranger, des investissements de l’étranger ou à l’étranger, des prêts publics, des emprunts publics ou des ventes des actifs publics. 
Le Togo se situe dans cette Afrique de l’Ouest (hors Nigéria champion toutes catégories en la matière), ce sous-continent cumule 38% des flux financiers illicites d’Afrique, 3 fois plus que l’Afrique Orientale (11%), contre 28% de l’Afrique du Nord ou l’Afrique centrale (10%). On a pu mettre en évidence les secteurs d’activité sur lesquels reposent la génération de ces flux de même que leur niveau et évolution dans la durée comme le montrent des graphiques très parlants. 
Source : Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique Rapport établi à la demande de la Conférence conjointe UA/CEA des ministres des finances, de la planification et du développement économique, page 99. 
Source : Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique Rapport établi à la demande de la Conférence conjointe UA/CEA des ministres des finances, de la planification et du développement économique, page 94. 
Ces données et graphiques sont fiables car reposant sur une méthode bien rodée, dite méthode de la CEA. « …pour évaluer les flux financiers illicites au niveau du secteur, il faut disposer d’abondantes données sur le commerce, par couple de pays. Pour cette raison, l’analyse ne retient que la fausse facturation des transactions des sociétés multinationales. Selon Raymond Baker, “la fausse facturation représente jusqu’à 55% des sorties illicites de capitaux des pays en développement”. 
En d’autres termes, l’essentiel des flux illicites provenant des pays en développement s’explique par la falsification de la facturation par les entreprises multinationales. Ceci a conduit à la normalisation engagée dès 2002 mais... le mal persiste. 
Source : Flux financiers illicites en provenance des pays en développeme2002—2006Global Financial Integrity par Dev Kar et Devon CartwrightSm in http://www.gfintegrity.org/storage/gfip/non-economist%20recent%20capital%20flight%20final%20french.pdf 

La méthode utilisée ici rappelle celle du Modèle de fausse facturation des transactions commerciales, puisque les estimations utilisent aussi les données sur la facturation falsifiée. Comme ce dernier modèle, la méthode suivie par la CEA utilise des données relatives à un échange commercial donné entre deux pays, en comparant les exportations du pays du produit vers le pays, et les importations du pays du produit en provenance du pays. 
Cette étude intègre également la faible perception de la corruption et de l’opacité financière dans les pays concernés, ce qui en force la légitimité. 
Source : Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, Rapport établi à la demande de la Conférence conjointe UA/CEA des ministres des finances, de la planification et du développement économique, page 109 
Cette information qui devrait être concordante est habituellement discordante pour plusieurs raisons:
-   les exportations sont généralement exprimées franco à bord (FAB),
-  les importations sont normalement comptabilisées en CAF (coût-assurance-fret)
 Les pays n’utilisent pas nécessairement la même nomenclature douanière pour un produit donné…. Des erreurs de comptabilisation dans la valeur des flux sont possibles; . (cf Flux financiers illicites ffi Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique Rapport établi à la demande de la Conférence conjointe UA/CEA des ministres des finances, de la planification et du développement économique
Le Togo se distingue par les sommes importantes qui échappent à la puissance publique et sa perméabilité que je mesure en « équivalents ad valorem du temps de passage aux frontières », des exportations et des importations considération moyenne des export/import. 
Quand ce temps moyen est de 16 pour le Bénin, de 7 pour la Côte d’Ivoire, de 12 pour le Nigéria, il est de 8 pour Togo et le Cameroun, pays qui figure dans le premier décile des pays africains les plus vulnérables en matière de flux financiers illicites. La réduction de ces flux suffirait largement à financer la modernisation, le développement et la démocratisation des infrastructures, de la santé, de l’éducation et de l’agriculture. 
C’est ainsi que l’Afrique subsaharienne a perdu 946,7milliards de $US en 2011, (au total 5900milliards $US de 2002 à 2011, soit 590 milliards $US/an). Le Togo laisse fuir 1,8 milliard $US environ par an et comme dans les pays incriminés, des sociétés-écran constituées pour la circonstance, s’ajoutent aux paradis fiscaux, tous opérant dans l’art du blanchiment d’argent. Colossal ! 

J’aurais voulu corréler le rythme sur la durée (20ans) des flux financiers illicites, de l’inflation des prix de denrées de première nécessité, du taux de croissance du PIB et de la croissance démographique, des investissements dans la santé, l’éducation et les infrastructures, impacté par l’opacité financière pour comparer le Togo au Ghana, au Bénin, au Nigéria, à la Côte d’Ivoire, au Burkina Faso... Comparaison n’est pas raison mais on saurait ainsi, si les agrégats en existaient, qui « smuggle » plus que l’autre ! 

Changeons d’échelle, dépistons la façon dont les biens et patrimoines sont acquis dans ces pays, tel le Togo où la création constitutionnellement exigée est une sorte de serpent de mer dont on parle toujours sans jamais le voir venir. 

C’est sûrement elle qui pourrait servir de gendarme et d’antidote pour endiguer ce mal pernicieux : les flux financiers illicites dont profitent détourneurs, marchands et marchandises illicites, banquiers complices et argentiers mondialistes nichés dans les paradis fiscaux. 

Faire tarir ces flux et ajouter à la transparence nous pareraient de vertus pour la maîtrise de la créance financière africaine en général, et togolaise en particulier. 

Etude et commentaires de Emmanuel Isidore Bocco 

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