Une
indépendance volée
Le Togo a connu deux faits
historiques « remarquables » au cours du XXe siècle :
première colonie française à arracher son indépendance en 1960 et
premier pays africain à subir un coup d'état militaire dès 1963,
ourdi par la France et réalisé par un ancien sergent de la
coloniale, Etienne Eyadema.
Depuis ce 13 janvier 1963, une
nuit profonde s'est abattue sur le peuple togolais.
Une dictature à la coréenne
La dictature militaire d'Eyadema
s'appuie à la fois sur son armée ethnique, entraînée, équipée
et soutenue par la France et sur la bienveillance de cette dernière,
alimentée par quelques valises bien remplies. Elle durera jusqu'à
sa mort en 2005.
« C'est l'armée qui m'a
offert le job », dit
Faure Gnassingbé
À la mort du Général-Président,
un de ses 110 enfants reconnus(!), Faure Gnassingbé, est désigné
président par la junte militaire... Cette fois-ci, le coup d'état
militaire déguisé est fortement contesté au Togo, et plus encore
par la communauté internationale et notamment l'Union Africaine. La
révolte du peuple togolais est violemment réprimée: environ 1100
assassinats et plus de 40000 réfugiés. Faure Gnassingbé arrive
donc au pouvoir dans un bain de sang. Que dit la France ?
Jacques Chirac, président, qualifie Faure de « mon fils
africain » ! Une assurance tous risques ! Néanmoins,
et sous la pression, Faure accepte de signer avec l'opposition, en
2006, l'Accord Politique Global (APG), qui fixe certaines avancées
démocratiques. Si ces accords permettent le retour des aides
européennes, ils ne seront jamais appliqués.
La
peur doit changer de camp !
En 2008, j'abandonne tous mes
mandats en France pour me consacrer uniquement et entièrement au
Togo et me présenter aux élections présidentielles de 2010.
Pouvais-je rester inactif face à la misère, à la souffrance et à
la pauvreté de mon peuple ? Face à notre campagne de terrain
approfondie et à la menace que je représente pour lui, Faure décide
d'interdire ma participation au scrutin pour cause de date de
naissance pas « claire » et de doute sur ma nationalité!
Moi dont le placenta est enterré en terre bassar, comme le veut la
tradition ! Le peuple n'est pas dupe.
Et donc à nouveau je me prépare
pour les élections de 2015 en étant au Togo dès 2014. Une nouvelle
fois, le régime m'en empêche par une manœuvre incroyable : il
trouve en France des gens pour m'accuser de « trafic de cartes
de séjour » contre une somme de 3000 euros ! Proprement
affligeant ! Mais le mal est fait. Moralement, je suis blessé
et matériellement empêché...
Mais
ma campagne de proximité de 2009 a ouvert définitivement les yeux
des Togolais et a implanté le ver dans le fruit : plus jamais
rien ne sera comme avant. Notre slogan : « la
peur doit changer de camp ! »
est devenu réalité.
Et
les temps ont changé aussi.
Pourtant aveuglée par son
apparente toute-puissance, la junte n'a pas vu venir la mobilisation
importante des populations togolaises ce 19 août 2017 : à
l'appel du PNP, Parti National Panafricain fondé en 2014, les
Togolais déferlent en même temps dans les rues de 5 grandes villes.
C'est que le ras-le-bol des populations est à son comble devant tant
de misère, devant cette dictature héréditaire cinquantenaire :
c'est la Corée du Nord de l'espace francophone ! La junte
réprime violemment les manifestants. On relève plusieurs morts, des
centaines de blessés ainsi que des dizaines d'arrestations. Les
jugements (à huis-clos !) sont rapides et les condamnations
lourdes: jusqu'à cinq années de prison ferme ! Ce faisant, que
recherche Faure sinon très clairement le chaos ?
Faure
cherche la guerre civile
Pour entretenir ce nouvel élan,
le PNP et l'opposition historique qui s'est jointe aux
manifestations, décide un nouveau mouvement sur tout le territoire
les 29, 30 et 31 Août 2017. La réaction du pouvoir est immédiate.
Il programme les mêmes jours, à la même heure et aux mêmes
endroits une contre-manifestation de son parti UNIR avec députés,
ministres, président de la Cour constitutionnelle en tête pour
« sauver l'État de droit et la démocratie » ! On
croit rêver ! N'est-ce pas la preuve de recherche d'un
affrontement direct, le chaos, la guerre civile ? Heureusement
dans sa grande sagesse, l'opposition décide de reporter son
mouvement aux 6 et 7 septembre, faisant ainsi preuve d'un sens aigu
des responsabilités, à l'opposé d'un pouvoir aux abois !
Le 6 septembre, les Togolais
étaient plus de 1 million dans les rues de Lomé !
Et
que dit la Communauté internationale ?
Les points de vue changent aussi
en Europe.
L'Allemagne, ancienne puissance
coloniale, refuse d'intégrer le Togo à la liste des pays africains
pouvant bénéficier de son plan Marshall, pour montrer qu'elle
considère le régime togolais comme infréquentable.
En France aussi les temps
changent. Un nouveau président arrive avec de nouvelles options
quant aux relations de la France avec l'Afrique. Mais surtout,
comment ne pas remercier le ministre des Affaires Etrangères
français, Jean-Yves Le Drian, qui a refusé, en sa qualité de
Ministre de la Défense, sur des conseils avisés, de livrer les
quatre hélicoptères de combat promis au Togo par l'ancien premier
ministre M.Valls, contre, selon la presse togolaise, un cadeau de 7
millions d'euros, lors de sa visite à Lomé, pour se préparer à
l'élection présidentielle française. Ah les vieilles habitudes !
Ce refus de mon ami Le Drian a évité, et je l'en remercie encore,
un massacre lors des marches de l'opposition du 19 Août dernier,
tant il est sûr que la junte en aurait fait usage.
Tout le monde sait aujourd'hui que
Faure est l'élément de blocage de l'évolution des sociétés
politiques africaines en étant le seul chef d'État de la CEDEAO à
refuser de signer la charte de cette organisation, prévoyant de
limiter les mandats présidentiels à deux exercices.
La realpolitik nous oblige
aujourd'hui à dénoncer les dernières dictatures africaines,
sources de déstabilisation régionale, et à promouvoir tout
mouvement de démocratisation, seul garant de stabilité politique et
de liberté des peuples.
Le peuple togolais a programmé
d'autres manifestations dans les jours à venir, pour demander le
départ de Faure. Il a compris que même avec les réformes promises
dans la hâte, Faure restera au pouvoir, quitte à voler encore et
toujours les élections. Il faut qu'il s'en aille. La situation
togolaise est devenue très dangereuse. La junte n'hésite pas à
brouiller l'Internet, les communications téléphoniques..., ni à
fermer les frontières... Elle se prépare à massacrer mon peuple à
l'abri de tout regard, en sachant pourtant qu'alors la précipitation
du pays dans un océan de violence ne sera plus évitable !
Faure
doit partir
Demander le départ de Faure,
c'est simplement prendre conscience qu'aucune dictature au monde n'a
quitté volontairement le pouvoir : eles ont toutes été
chassées par l'indestructible volonté d'un peuple d'obtenir sa
liberté.
Faure
doit partir et il partira. C'est le sens de l'histoire.
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