dimanche 12 juin 2011

LIBERER L'AFRIQUE...VRAIMENT...

La crise tunisienne a été l’occasion de mettre en lumière les rapports malsains que le pouvoir français entretient avec certaines dictatures.
Le régime de Ben Ali n’était malheureusement pas une exception dans les relations entre la France et les pays du continent africain.
Souvenons-nous que le 14 juillet dernier, Nicolas Sarkozy, toujours à l’avant-garde des méthodes de communication les plus inattendues, inaugurait avec faste le salon de la dictature de Paris.
Avec une audace dont la Ligue des Droits de l’Homme reste encore ébahie, le Président de la République détournait de son sens cette date, symbole d’espoir et de liberté, pour convier les dirigeants de quatorze pays africains à renouveler publiquement leur serment de vassalité.
Comme il ne faut jamais perdre une occasion de rire, le chef de l’exécutif, décidément potache, déguisait l’événement en une célébration du « cinquantenaire de l’indépendance » de ces anciennes possessions françaises.
Ce vulgaire avatar de l’exposition coloniale était clôturé par un défilé de troupes africaines, qui, entre deux massacres, avaient revêtu leurs habits de lumière pour la circonstance.
Des opposants, des intellectuels et des représentants d’ONG avaient manifesté leur surprise et leur indignation de voir des dictateurs et les armées qui les servent, être conviés à célébrer  l’esprit révolutionnaire.
Prenant peu à peu conscience de l’indigence morale de l’événement, le Président alchimiste transmutait cette fête d’un goût douteux en un « hommage au courage des anciens combattants qui ont participé à la libération de la France ».
Il est vrai qu’il est toujours de coutume, quand on est en difficulté, de faire monter en première  ligne les troupes indigènes dont le sang coûte si peu, mais il est inacceptable de convoquer les fantômes des tirailleurs sénégalais pour assurer le service d’ordre médiatique d’une réunion mafieuse du syndicat des chefs d’états africains.
Parmi les tyrans invités à ces cérémonies de la honte, le Togolais Faure Gnassingbé fait figure d’étoile montante dans cette cosa nostra exotique.
Son père, le dictateur Gnassingbé Eyadema, un des grands mabouls de l’Afrique de l’ouest, a dirigé d’une main de fer le Togo pendant 38 ans.
Pendant toutes ces années, le despote a mis en place un système de gouvernement par la terreur, qui a fait, hélas, la preuve de sa redoutable efficacité.
Il y a six ans, le vieillard sanguinaire mourait dans son avion dans des circonstances, qui restent finalement obscures.
Son dernier souffle fut un soupir de soulagement pour les Togolais, qui pensaient enfin accéder à cette liberté due à leur seule patience, leur rêve fut de courte durée.
Les militaires, estimant sans doute qu’ils étaient dans leur devoir de décharger le peuple d’un choix difficile, imposèrent, par les armes, le fils du dictateur, Faure Gnassingbé.
Les Togolais, qui ne voulaient pas revivre avec le fils ce qu’ils avaient douloureusement connu avec le père, eurent l’outrecuidance de manifester leur colère devant cette nouvelle spoliation de leurs droits.
Faure Gnassingbé, toujours prêt à exprimer son amour filial, honora la mémoire de son paternel en ordonnant que l’on massacrât les protestataires.
Les rapports de l’ONU et d’ « Amnesty International » sur ces exactions n’émurent pas un occident alangui dans la vision confortable d’une Afrique destinée à souffrir.
Au-delà même de l’indifférence, le « canard enchainé », dans son édition du 6 février 2008, nous apprenait que Nicolas Sarkozy avait demandé à l’autocrate togolais d’accorder à son ami Vincent Bolloré la concession du port de Lomé, sanctifiant ainsi par les liens de l’argent le crime commis contre la démocratie.
Le despote togolais a naturellement accédé à cette demande présidentielle, qui le confirme et le protège :  « …c’est bien mon petit Faure, toi y en a bon nègre ».
Inutile de dire à quel point cette situation m’a révolté.
La démocratie ne doit plus être un produit de luxe réservé à une fraction de l’humanité.
C’est pour cette raison que, dès 2008, j’ai décidé de préparer l’alternance au Togo, dans la perspective des élections présidentielles de 2010.
Mon action a rendu le pouvoir fébrile au point de séquestrer pendant douze heures le Président de la Cour Constitutionnelle togolaise afin qu’il me déclarât inéligible.
Dans l’impossibilité de me présenter à l’élection présidentielle, je me suis concentré sur l’unification de l’opposition togolaise au sein d’une seule structure cohérente : le Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (F.RA.C), dont je suis devenu le porte parole.
Le FRAC permit la victoire de son candidat unique Jean Pierre Fabre aux élections du 4 mars 2010.
Ce scrutin a été, bien évidemment, confisqué par le pouvoir, qui a déclaré Faure Gnassingbé vainqueur.
Depuis l’annonce du « résultat », les Togolais se rassemblent en masse pour défiler dans Lomé, défiant l’autorité d’un tyran saisi par l’ubris.
Sous l’influence d’un curieux mélange de panique et de violence, la dictature emploie les vieilles méthodes barbares du père pour sauver le fils.
Le colonel Yark, le bourreau officiel de Faure Gnassingbé, organise des enlèvements dont deux de mes plus proches collaborateurs ont d’ailleurs été les victimes le 2 juillet dernier.
A cela vient s’ajouter la répression systématique de toutes les manifestations, grèves et veillées de prière.
Malgré toutes ces épreuves, la lutte continue et je vais prochainement retourner au Togo avec un courage renouvelé par les exemples tunisien et égyptien.
Le régime, en truquant les résultats des élections de 2005 et de 2010, nous a prouvé qu’il n’accepterait jamais la sanction des urnes; notre liberté il nous faudra la lui arracher.
J’espère que les démocrates qui liront ces quelques lignes apporteront leur soutien sans faille à un peuple qui se bat pour sa dignité.
La France, celle des droits de l’homme, celle qui a fait dire à Benjamin Franklin, père fondateur des Etats Unis d’Amérique, que « tout homme avait deux patries la sienne et la France », doit être sans équivoque à nos côtés.
C’est là que se trouve sa place, c’est de cette France-là que le monde a besoin.




2 commentaires:

  1. J'avais écrit un commentaire...
    A priori, il a été censuré et supprimé...
    si c'est cela la liberté d'expressions, eh bien, je me retire... car ce n'est pas la première fois que cela arrive ...une fois, je veux bien comprendre et "croire" qu'il y ait eu pb de manip, deux fois, trois fois ou plus, non, je ne suis pas naïve à ce point !
    bonne continuation dans ta quête, tout seul ou avec qui tu auras choisi mais ne compte plus sur moi !
    ss

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  2. Kofi, merci de supprimer mon état "membre" de ton blog car je n'y arrive pas ! merci.
    ss

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