Le
scrutin présidentiel du 25 avril est derrière nous. Les mises en
garde faites en direction de l'opposition n'ont eu aucun écho. Les
résultats prédits sont désormais là, mais je ne suis pas fier
d'avoir eu raison...
Les
menaces et l'achat de conscience par l'État et son administration,
l’habileté et la duperie des fraudeurs, leur imagination et leur
cynisme... ont dévoyé le processus politique et technique qui
aboutit à ce nouveau déni démocratique. Le régime a fait feu de
tout bois pour réussir son fric-frac : instrumentalisation de la
constitution et des institutions, tripatouillage des listes
électorales en amont, éclatement des bureaux de vote, propagande et
moyens d’État pour le président sortant, désorientation des
électeurs, bourrage classique des urnes, intoxication dans les
médias publics ou vendus et, cerise sur le gâteau, coup de force à
la Commission électorale nationale indépendante sous l’œil des
caméras et celui bienveillant de deux chefs d’État voisins ainsi
qu'avec la complaisance des chancelleries et des institutions
internationales vis-à-vis de ce régime dont pourtant chacun connaît
la violence potentielle, le niveau de corruption des responsables
publics, la connivence prébendière des élites économiques et
intellectuelles et l’extrême indigence des services publics. Nous
savions déjà tout cela, mais...il fallait participer !
Dès
le lendemain, la CEDEAO s'est fait humilier par Faure Gnassingbé
lors de son 47e sommet tenu à Accra : refus catégorique de
celui-ci d'accepter le protocole d'accord sur la limitation à deux
du nombre de mandats présidentiels successifs.
Les
oppositions togolaises participationnistes ont-elles enfin compris
que ce pouvoir n'accordera démocratiquement jamais aucune réforme
au peuple togolais : ni la limitation du nombre de mandats, ni
un scrutin à deux tours ? Ont-elles enfin compris que ce
pouvoir ne changera jamais tout seul de nature ?
Dans
ces conditions, pendant encore combien d'années vont-elles continuer
à tromper le peuple et à légitimer un pouvoir qui a fait du Togo
la Corée du Nord de l'Afrique de l'Ouest (100% de Coréens n'ont
connu qu'un seul régime ; ils sont 90% de Togolais à n'avoir
connu que la dynastie Eyadema!) ? N'est-il pas temps de montrer
le chemin du vrai combat d'aujourd'hui, celui de la démocratisation
qui passe préalablement et obligatoirement par le renversement du
rapport des forces ? Et puisque l’exercice
démocratique d’une élection transparente et ouverte n’aura
jamais lieu au Togo, le rapport de force ne devra-t-il pas se faire
un jour ou l’autre dans la rue ?
Mais
auparavant ou concomitamment, il faut absolument en passer par la
sincérité de nos leaders :
Il
y a ceux qui acceptent contre espèces sonnantes et trébuchantes, de
participer à la légitimation du pouvoir en se présentant à un
scrutin visiblement hors de leur portée. Sinon, comment expliquer
qu'un « responsable » politique digne de ce nom, battu à
des législatives dans son propre « fief », puisse
espérer être élu Président de la République par le pays tout
entier ?
Il
y a aussi le cas de Jean-Pierre Fabre, nommé « leader de
l'opposition » par le pouvoir lui-même. Comment peut-il
arborer un tel titre alors qu'il se sait incapable de rassembler
cette même opposition qu'il laisse partir en rangs dispersés à un
scrutin à un seul tour ? En tout état de cause, il est
aujourd'hui devant ses responsabilités historiques et il est dans
l'obligation politique et morale de se livrer à un examen de
conscience sans concession qui ne peut le conduire qu'au choix entre
4 hypothèses:
1.
Rejoindre Faure Gnassingbé dans un gouvernement d'union nationale :
c'est la mode inventée par les Occidentaux pour les Africains;
2.
Continuer à faire les marches qui ne dérangent ni le pouvoir, ni
les intérêts de ceux qui le soutiennent ;
3.
Tenter de se perpétuer comme « l'Opposant » officiel
dont le rôle assigné par le pouvoir et accepté par lui est
d'empêcher tout embrasement de la situation, contre avantages divers
et variés.
4.
Reconnaître sa faute stratégique et participer modestement à la
reconstruction d'une opposition sur une base démocratique et dans
laquelle il ne peut plus être leader.
Pour
l'opposition togolaise, l'heure de vérité a sonné.
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