mardi 20 septembre 2011

KOFI YAMGNANE, QUI ETES-VOUS AU JUSTE?

Si je porte le prénom de Kofi, c’est parce que je suis le garçon né un vendredi et que l’on n’attendait pas… Autant dire que bien que fils de vendredi, je suis né sans Robinson pour me tenir en laisse, dans la brousse au fin fond du Togo.
En Europe, j’ai appris, souvent à mes dépens, que je ne devais compter que sur moi-même pour trouver mon chemin à travers les trop nombreuses chausse-trappes de la vie «civilisée» de ce «trop civilisé» monde occidental …
Encore aujourd'hui, dans cette quête d’une société (française autant que togolaise) pacifiée, ouverte, généreuse, réconciliée avec elle-même, je connais le poids de la solitude.

Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et, aussi loin que l’on puisse remonter dans ma généalogie, tous mes aïeux étaient métallurgistes tapou: ils maîtrisaient le feu et savaient transformer en fer le minerai de la montagne de Bangéli, mon village d'origine.

Quand venait la saison sèche propice à la chasse, ils chassaient, à l’arc et à la flèche. Aucun gibier ne les faisait reculer: ne sommes-nous pas des Bassar issus du quartier de Bikoulkpambe, celui des «chasseurs d’éléphants» !

Dans les années 1880, les colons blancs sont arrivés: des Allemands. Les miens se sont battus contre eux pour les empêcher de prendre la terre de leurs aïeux. Ils ont perdu la guerre: ils ont été soumis, déshonorés, acculturés. Face à cela, je ne nourris ni haine, ni rancune, ni soif de vengeance, ni désir d’exiger le repentir… Ainsi s’écrit l’histoire des hommes. J'en ai simplement pris acte.

Je ne suis ni religieux dogmatique, ni athée, ni même agnostique mais un déiste cosmopolite qui accepte les enseignements de différentes religions. Je crois seulement en une puissance universelle qui est présente dans le cosmos et qui maintient sa cohésion: en cela, je suis profondément l’Africain que je n’ai jamais cessé d’être... Je crois donc au destin.

Le mien est venu à ma rencontre sous la forme d’un homme, un missionnaire qui a su convaincre mes parents de me laisser partir avec lui, à son école, à 40 Km de mon clan. «Votre fils a l’air intelligent», leur avait-il dit, à bout d’arguments. On connaît la suite, mais pas toute la suite: elle est en train de s’écrire…

Déjà aujourd’hui, je mesure le chemin parcouru et je note sans aucune perturbation ni aucune fierté particulière, que trois temps ont scandé ma vie:

Né animiste dans la brousse togolaise, sans chercher à dominer personne, je m’impose par ma différence: héroïsme?

Emmené à l’école des blancs par un inconnu, plongé malgré moi dans le monothéisme chrétien, je gagne la confiance de mes maîtres-missionnaires-convertisseurs: sagesse?

Enfin par hasard pris en charge par la République française laïque, égalitaire et tolérante, j’acquiers la conscience que pour vivre ensemble, il faut accepter la diversité: mythe?


Oui, trois temps:

- Le temps de l’héroïsme pour comprendre et accepter la différence,
- Le temps de la sagesse pour gagner la confiance,
- Le temps du mythe pour acquérir la conscience.
Ce parcours ne connaît aucune rupture, aucune discontinuité: tout est ordonné et continu.

C’est de cela que parle Pierre Jakez Hélias quand il écrit:

«Kofi YAMGNANE, dont le nom signifie «vive le savoir» est devenu le symbole d’une intégration réussie à force d’intelligence, de patience, de tolérance, de générosité et de constante détermination à remplir les tâches pour lesquelles on s’estime être fait. Mais l’histoire des hommes est-elle autre chose qu’une série d’intégrations successives».

Dans toute mon action publique légitimée par les nombreux mandats politiques et professionnels que j’ai exercés, j’ai été guidé par six valeurs et trois objectifs:

l Six valeurs:

Proximité et humanité: cela s’illustre par la recherche permanente du dialogue avec tout être humain croisé sur mon chemin. Tout le monde est digne d’intérêt, à priori. On a toujours quelque chose à enseigner à son voisin et l’on a toujours quelque chose à apprendre de lui.

Respect et dignité: le respect de la dignité de chaque citoyen est pour moi une règle absolue. Rien, ni la jeunesse, ni la vieillesse, ni le sexe, ni l’origine, ni la maladie, ni aucune condition sociale ne peuvent porter atteinte à la dignité humaine,

Tradition et modernité: l’acceptation et le respect de la tradition de l’autre est un impératif pour bien vivre ensemble. La modernité est à la tradition ce que l’embouchure d'une rivière est à sa source: indispensables l’une à l’autre.


Trois objectifs:

Protéger les plus faibles, contre la précarité, contre l’insécurité, contre la dégradation de l’environnement; protéger les libertés individuelles et collectives,

Innover par la promotion de la vie associative, par la promotion d’une vraie démocratie, par la promotion de l’accès pour tous aux modernismes,

Convaincre et non pas vouloir vaincre. Nous ne pouvons convaincre que par notre utilité, par notre efficacité dans nos actions, par notre sens de la solidarité en direction de tous nos concitoyens dans leur diversité, par la pertinence des projets que nous portons dans le sens de l’intérêt général.

Ce sont ces valeurs et ces objectifs qui me donnent la sérénité qu'on me reconnaît volontiers aujourd’hui et que je cultive pour demain.

J’éprouve la joie de la satisfaction des projets réalisés. J’ai naturellement connu des échecs: je n'ai  pas tout réussi... Mais je n’ai aucun remords. J’observe avec une certaine compassion la triste cohorte de remords qui tourbillonne, tel un vol de chauve-souris, autour de certains dirigeants, élus ou non.

Remords de ce qu’ils n’ont pas fait à autrui: solidarité, empathie.
Remords de ce qu’ils ont fait à autrui: méchanceté, ingratitude, trahison
Remords de ce qu’ils ne font pas avec autrui: occasions perdues.
Mais le plus exaltant est devant nous. Je vous promets que nous y arriverons, ensemble, même s’il nous faut gravir des montagnes, traverser des fleuves et des océans!

Là où il y a la volonté, il y a un chemin.

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