Kofi
Yamgnane: 'Fabre a perdu toute crédibilité en capitulant exactement
comme son mentor'
Kofi
Yamgnane, le leader de Sursaut-Togo s’est fait le moins attendre
depuis l’élection présidentielle d’avril 2015 à la suite de
laquelle il s’est contenté de condamner un scrutin non
démocratique et la démarche de Jean-Pierre Fabre qui a pris part à
cette élection alors même que les réformes n’étaient pas
faites.
À
la suite du putsch raté de l’ex RSP au Burkina Faso en Septembre
dernier, l’ancien ministre français avait préconisé au Togo
l’expérimentation d’un régime de transition qu’il pourra
diriger pour remettre le Togo sur les rails.
Dans
un entretien exclusif qu’il a accordé ce jeudi à Togo Breaking
News, M. Yamgnane revient sur l’actualité brûlante de l’heure
avec le vote du nouveau code pénal qui repénalise le délit de
presse, sur les réformes politiques, les élections locales et le
dernier appel lancé par Jean-Pierre Fabre pour le rassemblement des
forces démocratiques.
«
Le scrutin présidentiel est passé depuis 8 mois et...comme vous
voyez, tout cela est "passé à l'as" sans que plus
personne ne soit choqué, ni les institutions religieuses
représentées par Mgr Barrigah soi-même, ni la Communauté
internationale représentée par ce fameux et fumeux Groupe des 5, ni
surtout l'opposition togolaise qui, loin de s'atteler à une analyse
sérieuse et intelligente de la vraie situation des Togolais, se fait
volontairement balader et "n'y voit que du feu ". Peuple
togolais, l'heure est venue de ne plus sous-traiter ni ton sort, ni
ton avenir à personne, mais de te lever en masse pour t'en occuper
toi-même ! Le peuple frère burkinabé ne t'a-t-il pas montré le
chemin de la liberté ? », lance-t-il au peuple togolais.
Lisez
l’intégralité de l’entretien.
Togo
Breaking News : Le gouvernement togolais vient de faire voter par
l’Assemblée nationale, un nouveau code pénal jugé moderne par
les autorités. Mais le Code contient des dispositions qui donnent la
latitude aux juges de mettre en prison les journalistes en cas de
publication d’informations jugées fausses. Quelle est votre
appréciation sur cet état de chose ?
Kofi
YAMGNANE (K.Y.) : En
effet, j'ai lu les informations et les commentaires concernant ce
nouveau « code pénal moderne » dont le Togo s'est doté. À n'en
pas douter, le régime de Faure Gnassingbé a peur de la presse
togolaise et souhaite la maintenir en détention ou à tout le moins,
« en résidence surveillée ».
Jusqu'à
présent, la presse écrite pouvait être interdite sans
justification (on connaît des exemples nombreux et Lawson Bonero mis
aux arrêts venait d’être libéré) ; les radios pouvaient être
fermées par la fameuse HAAC ou bien encerclées par la junte
militaire ; les télévisions privées pouvaient être bâillonnées
à tout moment ; l'internet et le téléphone fermés et même RFI
interdite de diffusion...
Tous
ces actes anti démocratiques pouvaient être constatés, répertoriés
et signalés sur le plan international...ce qui n'était pas sans
effet sur un pouvoir dictatorial qui veut nier jusqu'à son identité.
Aujourd'hui
avec ce nouveau code, la « démocrature » togolaise veut clairement
signifier à qui le veut qu'elle a « légalisé » le contrôle des
médias et que donc elle fera désormais ce qu'il lui plaira pour les
faire taire « légalement ».
Il
faut en prendre acte et se battre pour que cela cesse ; que cessent
les violences ; que finisse l'impunité ; qu'advienne une société
de justice, de paix et de développement. N'est-ce pas là la
quintessence même de notre combat, le combat des vrais démocrates,
le combat des Justes ?
Togo
Breaking News : Depuis
l’élection présidentielle d’avril dernier qui s’est soldée
par la réélection de Faure Gnassingbé, on constate que
l’opposition togolaise n’arrive pas à taire ses divergences pour
aller de l’avant. Que préconisez-vous pour l’unité de
l’opposition ?
K.
Y. :
Question difficile et équation impossible ! Si j'avais su comment
faire pour amener ce cartel des oppositions à l'unité, il y a
longtemps que je l'aurais fait ! Mais je « m'y suis cassé les dents
» comme bien d'autres avant moi ! Comme disent les Français : « …
on n'oblige pas à boire un âne qui n'a pas soif ! »...et
l'opposition togolaise ressemble fort à un âne qui n'a pas soif. Le
cartel des oppositions fait mal au cœur partout dans le monde : il
se satisfait de « grappiller » ici et là les miettes des prébendes
du pouvoir dont celui-ci parsème son chemin. Ses responsables
constituent aujourd'hui une véritable « classe », classe dominante
étroitement associée à l’exercice du pouvoir ou prospérant sous
sa protection ! N'est-ce pas la raison pour laquelle elle est prise à
partie par la masse, en particulier sa frange militante, et subit par
conséquent les prémices de la vengeance en période de
troubles...C'est le temps de la défiance, en attendant celui de la
révolte...interne.
Oui
j'ai parfaitement identifié les raisons de ces divisions, mais pour
y trouver un remède, encore faut-il que les protagonistes soient
convaincus du diagnostic et soient prêts à en accepter la
prescription ! Nous n'en sommes toujours pas là, après 25 ans de
combat vain : nous en sommes même bien loin et plus le temps passe,
et plus nous nous en éloignons !
Togo
Breaking News : Jean-Pierre
Fabre a lancé le 10 octobre dernier un appel au rassemblement des
forces démocratiques. Que vous inspire cet appel ? Allez-vous vous
joindre à M. Fabre et son groupe ?
K.
Y. :
Oui j'ai entendu l'appel du « leader de l'opposition parlementaire
», ainsi promu par le pouvoir en place. M. Fabre excelle dans ce
genre d'exercice où il croit pouvoir cacher ses vraies intentions :
« ...suivez tous mon panache clair : en dehors de moi, point de
salut... ». C'est ce qu'il faut lire entre les lignes de tous ses
appels.
Son
péché originel est d'avoir accepté de partir aux élections en
reniant le combat pour les réformes indispensables à un scrutin
juste et équilibré. C'est dans ce revirement de dernière minute
qu'il a perdu toute crédibilité en capitulant ainsi en rase
campagne exactement comme son mentor il y a 4 ans.
Il
peut toujours continuer à lancer ses appels, j'ai bien peur qu'il
soit devenu inaudible... exactement comme son mentor.
Togo
Breaking News : La
question des réformes constitutionnelles et institutionnelles et
celle des élections locales sont oubliées depuis un temps par
l’opposition. À votre avis, comment faire pour arracher et les
réformes et les élections que réclament d’ailleurs les
partenaires du Togo ?
K.
Y. :
Oui le vrai mot, c'est bien « arracher » car, par nature, une
dictature ne partage pas le pouvoir : donc pour lui, pas question ni
de porter des réformes ni d'organiser des élections locales, toutes
choses qui l'obligeraient à accepter l'idée du partage du pouvoir !
Faure Gnassingbé ne fera jamais de lui-même ces réformes. Il faut
l'y contraindre. C'est ce travail de conviction que je mène ici où
je suis et auquel j'appelle les Togolais, tous les Togolais.
Un
scrutin à 2 tours, la limitation du nombre de mandats présidentiels,
la décentralisation pour une gouvernance de proximité...sont des
éléments qui font partie intégrante d'un régime démocratique.
C'est pourquoi tous les partenaires du Togo appellent ce pouvoir à
mettre en oeuvre ces réformes et ce faisant, personne ne peut les
accuser d'ingérence, comme Faure Gnassingbé tente de le faire
croire.
Se
battre pour cette cause, une fois de plus trahie par M. Fabre, est
une obligation humaine pour tous les Togolais et pour chaque
Togolais. Ce que d'autres peuples ont fait, nous devons être
capables de le faire aussi : nous battre et mourir, s'il le faut,
pour que demain les Togolais vivent mieux.
Togo
Breaking News : Lors
des derniers évènements qui ont secoué le Burkina Faso, vous avez
indiqué dans une tribune que vous êtes prêt à conduire une
transition au Togo. Le Togo peut-il connaître une transition alors
qu’il y a un président élu ?
K.
Y. :
En effet, le président s'est autoproclamé élu pour un 3e
mandat(!), mais il n'est pas reconnu par son peuple avec qui il
n'entretient que des relations de défiance, occultées par une
atmosphère de violence inouïe et de peur permanente. Depuis plus de
50 ans, le pouvoir politique et économique ainsi que celui des armes
sont détenus par la même ethnie, pour ne pas dire le même village,
la même famille. Dès lors, la vie politique togolaise est
négativement marquée par une multitude d’exclusions, de conflits
d’intérêts et de luttes intestines à connotation régionaliste,
ethno-centriste, voire clanique, le tout aggravé par un antagonisme
structurel croissant des classes sociales, symptomatique d’un
mal-vivre explosif illustré par 2 constats :
les
intérêts d’une infime minorité de riches et très riches contre
ceux de l’écrasante majorité de pauvres, très pauvres ;
une
structuration sociale dépourvue de classes moyennes pour faire
tampon entre ces deux extrêmes et qui bloque toute idée d'évolution
sociale.
Nier
que la vie politique de notre pays s'est structurée autour de
l’attente plus ou moins avouée d’une "revanche politique",
c'est tenter de se cacher derrière son petit doigt ou alors jouer à
l'autruche.
Or
ce que je veux, moi, c'est absolument écarter du Togo le spectre
rwandais : voilà ce qui rend incontournable une transition dont le
rôle sera de réconcilier, rassembler, pacifier et « civiliser »
les relations afin de mettre le pays sur les rails de cet
incontournable changement démocratique tant attendu.
C'est
parce que cette transition est indispensable et c'est parce que je
m'en sens capable que je le dis.
Togo
Breaking News : Si
vous aviez un message à adresser aux Togolais, que leur
diriez-vous...
K.
Y. :
Peuple togolais,
Selon
moi, en accord avec le pouvoir togolais, l'opposition s'évertue à
te cacher l'essentiel du combat politique à mener au Togo. Mais toi,
tu connais ces questions sans réponse auxquelles, tous les jours, tu
sacrifies tes enfants :
.
la question de la sécurité des citoyens : pour quelle cause exacte
Étienne Yakanou a-t-il été arrêté et torturé à mort en prison
?
.
la question de la violence politique, de l'arbitraire et de
l'impunité : pour quelle cause 2 jeunes lycéens sont-ils morts
récemment à Dapaong ?
.
la question du rôle de l'armée : pourquoi les yeux fermés, l'armée
togolaise accepte-t-elle, depuis 50 ans, de tirer sur un peuple sans
défense ?
.
la question de la démocratie : libertés collectives et
individuelles, limitation du nombre de mandats présidentiels,
scrutins à 2 tours, décentralisation, reconnaissance de la
citoyenneté à la diaspora(première Région du Togo, sans droit de
vote, sans droit à l'éligibilité!), justice républicaine...
.
la question de la gestion économique du pays et de la juste
redistribution des ressources nationales
.
la question du développement (école, santé, infrastructures,
énergie, agriculture, pêche...) et surtout la question de la vision
pour le Togo dans 30 ou 50 ans et enfin celle de la fin de la
navigation à vue en cours depuis 50 ans.
Le
scrutin présidentiel est passé depuis 8 mois et...comme vous voyez,
tout cela est "passé à l'as" sans que plus personne ne
soit choqué, ni les institutions religieuses représentées par Mgr
Barrigah soi-même, ni la Communauté internationale représentée
par ce fameux et fumeux Groupe des 5, ni surtout l'opposition
togolaise qui, loin de s'atteler à une analyse sérieuse et
intelligente de la vraie situation des Togolais, se fait
volontairement balader et « n'y voit que du feu ».
Peuple
togolais, l'heure est venue de ne plus sous-traiter ni ton sort, ni
ton avenir à personne, mais de te lever en masse pour t'en occuper
toi-même ! Le peuple frère burkinabé ne t'a-t-il pas montré le
chemin de la liberté ?
Propos
recueillis par D. A.
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