vendredi 9 mars 2012

François Hollande, une chance pour l'Afrique




Soyons pragmatiques: un président est élu par son peuple pour s'occuper d'abord. En vertu de ce principe simple et compréhensible de tous, lorsque François Hollande s'installera à l'Élysée, ce sera pour s'occuper prioritairement des Français qui en ont bien besoin. Il n'ira donc pas en Afrique pour y installer la démocratie à la place des Africains.
Pour autant, en tant qu'humaniste et homme de gauche, il ne pourra être insensible au sort des peuples africains.

Tout d'abord, tirer le bilan de 50 ans de relations ambigües
Lors de la présentation des 60 engagements pour la France, le 26 janvier dernier, il avait placé son projet présidentiel dans une démarche de volonté, de lucidité et avant tout de clarté et de justice. Telle est toujours sa démarche dans la perspective où il lui reviendrait de redéfinir les relations de la France avec l’Afrique et en particulier avec les anciennes colonies ou ces pays sur lesquels l’histoire a conduit la France à exercer divers mandats.
Au nom de cette transparence et de cette justice, il privilégiera une approche plus respectueuse des peuples d'Afrique par la reconnaissance des aspirations populaires trop souvent brimées par des régimes autoritaires et parfois corrompus.
C’est en toute conscience qu’il veut tirer un trait sur le bilan mitigé d’une indépendance politique acquise il y a cinquante ans et depuis trop souvent dévoyée. Dénaturée à travers notamment la Françafrique dont l’actualité récente en France nous a replongés dans ses faits d’armes les plus cocasses au gré des déclarations romanesques de ces petits porteurs de valises.

Cette «Françafrique» a de multiples facettes:
  • le soutien ou la tolérance vis-à-vis de régimes politiques dictatoriaux, parfois installés par le gouvernement français lui-même, au mépris des populations.
  • les circuits mafieux d'argent et les trafics en tous genres, dont le sol africain est devenu le terrain de jeux,
  • le déni de l’Histoire, lorsque la majorité sortante, par la voix de Nicolas Sarkozy, met en doute la capacité de l’Afrique à accéder à la démocratie, voire à “rentrer dans l’Histoire”, niant le passé parfois glorieux de ces peuples.
  • des politiques de solidarité qui s’effritent, au profit d’illusoires politiques de gestion concertée des migrations ou de promotion des relations commerciales, au profit d’un nombre très limité de multinationales.
  • des interventions militaires improvisées, qui mettent en danger les ressortissants français et donnent de la France l’image d’un gendarme désirant avant tout préserver ses intérêts.


Ensuite, refonder ces relations sur des bases seines
Tourner définitivement la page de la colonisation, en finir avec les formes plus ou moins subtiles du paternalisme néocolonial, regarder l'Afrique comme elle est aujourd'hui et pressentir ce qu'elle sera demain, entrer dans une coopération sur la base de l’égalité et du respect mutuel et s'appuyer sur les forces qui feront l'Afrique de demain: étudiants, jeunes entrepreneurs, diplômés au chômage, artistes, écrivains, diasporas...
Enfin, disons-le tout net: aux yeux de beaucoup d’Africains, l’interventionnisme armé de la France et le recours très «sélectif» à la Cour Pénale Internationale incarnent une nouvelle «mission civilisatrice occidentale», rappelant à bien des égards la douloureuse «pacification» de l’ère coloniale.
Pendant les cinq dernières années, Nicolas Sarkozy en a fait la promotion. François Hollande veut rompre avec ces clichés surannés.


Prendre en compte l'impératif démocratique
Il y a un an, une vague de mouvements populaires mettait fin aux dictatures qui opprimaient la Tunisie, l’Egypte et la Libye. Cette vague d’espoir a également atteint la Syrie, où la majorité de la population se bat pour sa liberté. Au Sud du Sahara, d’autres jeunes Africains partagent eux aussi cette aspiration à la démocratie, à la liberté et au respect de leurs droits élémentaires. On y retrouve la même exaspération face à l’injustice sociale, la pauvreté, les inégalités, les manquements à la liberté de la presse ou à l’indépendance de la justice, et la même colère face à la confiscation du pouvoir par un clan et à des joutes électorales jouées d’avance.
La France aura la bonne réactivité devant de tels événements s'ils venaient à se produire et elle encouragera la recherche de solutions pacifiques négociées conformément à la culture et aux civilisations africaines: à l'instar du Président Nelson Mandela, François Hollande encouragera partout le pardon et la réconciliation plutôt que l'affrontement et la violence.

Lancer une opération vérité sur la politique d’aide publique au développement
Un constat lucide s’impose: l’aide publique au développement divise les Français. Près de la moitié d’entre eux la juge inefficace, quand l’autre moitié estime nécessaire de la poursuivre et même de l'amplifier, en particulier en temps de crise. Cette division vient, en partie, du caractère fantaisiste et mensonger des déclarations d’aide au développement et d’engagements internationaux jamais tenus. Si l’aide est trop peu lisible et jugée inefficace, c’est aussi parce qu’elle est en réalité très limitée. La France déclare 10 milliards d’euros d’Aide Publique au Développement (APD) à l’OCDE, alors que la «mission APD» n'a représenté que 3.3 milliards d’euros en crédit de paiement dans la loi de finances 2012. Il est donc tout à fait nécessaire de faire une grande opération vérité sur les comptes de l’APD française pour rétablir tout à la fois la vérité et la crédibilité de cet instrument. Depuis 5 ans, la politique de coopération se caractérise par une «bulle déclarative», avec un énorme écart entre les coûts pour l’État, qui sont faibles (0.25% du PIB), et les sommes déclarées (près de 0.5% du PIB). Par ailleurs, les remboursements massifs de prêts qui interviendront dans les prochaines années entraîneront des flux non moins massifs d’aide négative! Il y a là un problème démocratique majeur qui sera résolu dès le vote du budget 2013, en faisant toute la transparence sur la nature et la répartition des dépenses d’APD.

Participer au renforcement de la sécurité collective en Afrique
Toute instabilité sur le continent africain, aux portes de l’Europe, a des conséquences pour la France, pour nos partenaires européens et pour leurs ressortissants qui résident en Afrique.
C’est pourquoi François Hollande souhaite repenser la politique de lutte contre le terrorisme, en particulier au Sahel, pour permettre aux forces nationales concernées de lutter plus vigoureusement contre Al-Qaïda au Maghreb Islamique et les entités qui collaborent ou commercent avec cette organisation.
Cela supposera de clarifier la politique française en matière de prise d’otages, et d’arrêter de financer d’un côté des organisations que la France prétend combattre de l’autre.
Dans ce domaine, en partenariat avec l'UE et l'ONU, l'Union Africaine et les organisations régionales et sous-régionales africaines (CEDEAO, SADC, UEAC...) doivent jouer le rôle qui est d'abord le leur, à savoir: définir l’architecture de défense du continent.
Voilà quelques-unes des orientations que retient François Hollande, après cinquante ans de coopération chaotique.


Kofi Yamgnane
Conseiller aux Relations africaines

1 commentaire:

  1. salut kofi es-tu en BRETAGNE? A BIENTOT DANS LA REGION DE BREST.. (Gilles jan retraité de la DDE de ST RENAN)

    RépondreSupprimer